mardi, novembre 21, 2006

Analyse Personnalité - Dominique de Villepin

Dominique de Villepin (Galouzeau) (14.11.1953)

Votre nombre d'expression, le 9, synthèse de votre prénom et de votre nom, détermine votre nature émotive et passionnée. Vous avez le sens du service et du dévouement et un désir ardent de communiquer (pas toujours assouvi). Vous avez un besoin fondamental d'apprendre et également de transmettre, d'enseigner, d'utiliser vos connaissances pour aider les autres. Vous avez un tempérament idéaliste, souvent coupé par des réalités. Vous éprouvez une attirance naturelle pour les voyages à l'étranger. À surveiller: Votre hypersensibilité et votre tendance au déséquilibre nerveux ou psychique en cas de déception ou de désillusion... Bref: Le besoin d'amour (donner et recevoir) est la clé de votre nombre souvent empreint d'une grande spiritualité... À vous de jouer!

Votre prénom, Dominique, caractérisé par le chiffre 8, révèle que vous êtes sans doute doté d'une personnalité énergique et extrêment déterminée lorsque vous avez quelquechose en tête. Vos réactions peuvent être parfois trop vives. Mais ne vous en faites pas: vous êtes un amoureux de la justice et cela se sent!

Le nom dont vous avez hérité, Galouzeau, caractérisé quant à lui par le chiffre 1, révèle une attitude ferme et volontaire. Il y a en vous un réel besoin de vous affirmer.

Votre nombre intime, le 6, issu des voyelles de votre prénom et de votre nom, renseigne sur la personnalité vécue de l'«intérieur», sur vos aspirations, vos motivations... Dans votre cas, vous aspirez clairement à l'équilibre et à l'harmonie. Vous avez un profond besoin de racines, et vous avez le sens des valeurs familiales. Chez vous, les sentiments prédominent et motivent l'action. Vous avez le sens de la responsabilité et du service, et êtes doué de goût pour l'art et pour la beauté en général. L'union, le mariage ou le foyer sont nécessaires à votre vie et vous vous investissez beaucoup pour vos proches. L'aspect prédominant de votre caractère est la recherche de la sécurité affective ainsi que la responsabilité familiale.

Issu des consonnes de votre prénom et de votre nom, votre nombre de réalisation, le 3 révèle vos talents sur un plan matériel et/ou professionnel. Chez vous, il révèle une capacité à communiquer, à négocier et à créer. Vous avez besoin d'autonomie sur le terrain, et courez un vague risque de dispersion

Votre nombre psychique, le 14, vous a doté d'une nature cérebrale et nerveuse. Votre ouverture d'esprit vous pousse naturellement vers des activités indépendantes. Vous vous intéressez à l'humain, à l'art, à la société et vous savez vous ressourcer rapidement. En contrepartie, vous êtes un peu versatile et parfois inconstant dans vos relations et vos sentiments...

Ce sont vos qualités de réflexion, d'analyse, d'intelligence vive, de rêve et d'écoute d'autrui qui vous permettent d'avancer dans la vie. C'est ce que révèle en tout cas votre nombre d'évolution, le 7. Il confirme aussi votre autonomie, votre besoin d'espace, votre goût artistique, vos grandes idées, votre philosophie, votre humour et votre sens de l'amitié. Si vous savez prendre confiance en vous et cherchez toujours à vous perfectionner sans avoir peur des moments d'isolement ou de doute, et si ce n'est déjà le cas, vous évoluerez très agréablement au travers d'opportunités, de rencontres, de découvertes, d'expériences enrichissantes, de sagesse et d'un peu de chance.

Votre table d'inclusion:
Nombre manquant: 2.
• 2: Le 2 en manque est à l'origine de vos difficultés relationnelles avec les proches (aussi bien dans votre vie privée que dans votre vie professionnelle). Peut-être souffrez-vous (ou avez-vous souffert) également de problèmes dans votre couple? Vous manquiez de confiance en votre partenaire? Votre susceptibilité, votre manque de patience et votre nervosité trouvent leur origine ici... Mais pas de panique: ça se travaille!

Cycle de vie:
Votre chemin de vie, le 7, issu de votre date de naissance, donne de précieuses indications sur votre destin, de manière plutôt détachée de tout contexte. Pour faire court, le 7 est le chemin de la sagesse, de la pensée, du rêve... Vous avez toutes les cartes en mains pour mener une vie intérieure très riche. Votre chemin de vie y est sans doute pour beaucoup dans votre intelligence et votre spiritualité. Attention cependant, votre chemin est, bien sûr, parsemé d'obstacles (sinon, ça ne serait pas du jeu...) Principal obstacle: Vous êtes intelligent et vous le savez. Cela peut vous conduire à traiter les autres avec mépris et à être perçu comme quelqu'un de froid et d'aigri, voire de caractériel. Vous avez cependant largement les moyens de contourner ces obstacles. Il ne tient qu'à vous de privilégier la sagesse sur l'impulsivité.

Votre cycle de vie, le 5, indique vous êtes fait pour être libre et pour bouger. Vous êtes en cycle productif depuis le 14 novembre 1983, et ce, jusqu'au 13 novembre 2010. En principe, votre vie est assez intéressante en ce moment. Si n'avez pas abusé de votre liberté pendant votre cycle formatif, et que vous avez mis en place pendant cette période les fondements (sociaux, professionnels) qui vous permettent toujours d'être libre, vous jouissez en principe de l'autonomie nécessaire pour continuer d'assouvir votre besoin fondamental de voyager et de découvrir... Pourvu que ça dure!

Votre cycle de vie compte au total 4 réalisations majeures. Depuis le 13 novembre 2000, vous accomplissez votre 4e et dernière réalisation, et pas des moindres: la capacité à collaborer avec autrui. C'est l'ère dans laquelle votre richesse intérieure va enfin déborder, les autres pourront en bénéficier pleinement et cela vous donnera la possibilité de vous extérioriser, ce qui, vous le verrez, se révélera particulièrement valorisant et enrichissant.

Cycles temporels:
En numérologie, il existe 9 années personnelles. Chacune d'entre elles indique la tendance générale de l'année en cours. En ce qui vous concerne, vous êtes en année 6, symbole de la cohérence. Cette année, vous avez besoin de vous sentir bien dans votre environnement. Bien avec vos proches. Bien au travail... Vous saurez vous adapter en toutes circonstances car vous avez besoin cette année d'un environnement qui vous paraisse logique, cohérent, compréhensible. Déménagement ou changement d'emploi dans ce contexte, ne sont pas exclus s'ils vous apportent un sentiment de stabilité.

Votre maison astrologique (ou secteur) donne un complément d'information intéressant à votre année personnelle. Si la première est valable du 1er au 31 décembre, la seconde en revanche, change à chacun de vos anniversaires. Vous êtes actuellement en maison 10, symbole de statut social. Cette année va peut-être vous permettre de changer de statut social ou professionnel.

Votre mois personnel, le 7, indique la tonalité générale du mois en cours: réflexions et remise en question. C'est un mois qui vous permet de faire le point.

Vous êtes en jour personnel 8, journée favorisant l'action et l'efficacité.
Votre chemin de vie: 7
Comme
• Alan Rickman
(21.2.1946)
• Alfredo James Pacino
(Al Pacino, 25.4.1940)
• André Michelin
(16.1.1853)
• Boris Vian
(10.3.1920)
• Charles Aznavourian
(Charles Aznavour, 22.5.1924)
• Danny Ackroyd
(1.7.1952)
• Dmitri Ivanovich Mendeleyev
(7.2.1834)
• Erik Satie
(17.5.1866)
• Ewan Gordon McGregor
(Ewan McGregor, 31.3.1971)
• Florent Pagny
(6.11.1961)
• Francis Cabrel
(23.11.1953)
• Gérard Depardieu
(27.12.1948)
• Henri Gabriel Salvador
(Henri Salvador, 18.7.1917)
• Hugh Grant
(9.9.1960)
• John Christopher Depp
(Johnny Depp, 9.6.1963)
• John Edgar Hoover
(1.1.1895)
• Jose Antonio Dominguez Banderas
(Antonio Banderas, 10.8.1960)
• Laurent Voulzy
(18.12.1948)
• Leonardo Wilhelm DiCaprio
(Leonardo Di Caprio, 11.11.1974)
• Louis Pasteur
(27.12.1822)
• Mel Columcille Gerard Gibson
(Mel Gibson, 3.1.1956)
• Michael Douglas
(25.9.1944)
• Michel Jonasz
(21.1.1947)
• Nicholas Brendon Schulz
(Nicholas Brendon, 12.4.1971)
• Nicolas Anelka
(14.3.1979)
• Patrick Benguigui
(Patrick Bruel, 14.5.1959)
• Ralph Nathaniel Fiennes
(Ralph Fiennes, 22.12.1962)
• Sergey Sergeyevich Prokofiev
(11.4.1891)
• William Shakespeare
(23.4.1564)

jeudi, novembre 09, 2006

Hésiode et Orphisme

L’opposition entre Orphée et Hésiode se marque d’abord dans le contraste entre le Chaos et l’Œuf primordial. À l’origine de toutes choses, Hésiode situe une puissance de l’inorganisé, la béance, le vide, le Chaos, à partir duquel, par étapes successives, les puissances constitutives du Cosmos vont se distinguer, prendre forme, et se définir les unes par rapport aux autres, la souveraineté de Zeus marquant la fin d’un procès qui va du non-être à l’être. Le modèle que présentent les cosmogonies orphiques est l’inverse du précédent : c’est l’Œuf qui est l’origine de tout, comme symbole de la vie, image du vivant achevé et parfait, représentant la plénitude de l’Être qui va se dégrader peu à peu jusqu’au non-être de l’existence individuelle.

Un autre aspect de l’opposition entre Hésiode et Orphée se manifeste à travers l’importance prise dans les théogonies rhapsodiques par un Éros primordial, lequel est, pour ainsi dire, mis entre parenthèses par Hésiode. Sous les noms de Prôtogonos, (Premier-Né), ou de Phanès ,(Celui qui fait briller), Éros est, dans la pensée orphique, la puissance qui intègre et concilie les opposés et les contraires ; c’est la force primordiale qui permet d’unifier les aspects différenciés d’un monde déchiré par les tensions que provoque une puissance comme Neikos (Querelle). Pour Hésiode, en revanche, Éros n’est plus que le principe de la génération par accouplement, dont la médiation permet la distinction de puissances nettement différenciées.

Cette différence d’orientation se marque encore plus nettement dans la place que l’un et l’autre système réservent à l’homme.

Pour Hésiode, seuls comptent les dieux, leurs parts respectives, leur histoire qui forme le vrai discours sur l’Être. Et le partage entre les dieux et les hommes qu’effectue Prométhée ne fait que consacrer l’ordre défini par les puissances divines.

Dans la pensée orphique, au contraire, l’anthropogonie est un chapitre essentiel : il s’agit d’expliquer à la fois comment les premiers hommes ont fait leur apparition dans un monde originellement parfait, comment ils ont été déchus dans une existence individuelle, et comment ils portent en eux, cependant, une parcelle d’origine divine. Un mythe « théologique » raconte l’origine de l’homme et la faute qu’il doit payer : le meurtre du jeune Dionysos par les Titans, sous la forme d’un sacrifice sanglant, mais inversé, puisque les chairs de l’enfant sont d’abord bouillies avant d’être passées à la broche. Les Titans, qui ont goûté de cette cuisine monstrueuse, sont foudroyés par Zeus, et de leurs cendres vont naître les premiers hommes, marqués par une double ascendance, titanique et dionysiaque. L’une est l’esprit de violence, la propension au mal ; l’autre est l’élément d’origine divine qu’un ascétisme rigoureux va permettre de purifier et de libérer de la « prison » du corps où l’âme est enfermée en châtiment de ses fautes.

Les lamelles d’or

Une part importante de l’eschatologie orphique a été révélée par les tablettes trouvées en Grande-Grèce (Pétilia, Thourioi) et en Crète (Éleutherna). Enterrées avec l’initié, ces lamelles d’or portent, gravées, les formules qui serviront à leur propriétaire de mot de passe dans l’au-delà. L’âme s’y présente comme « fils de la Terre et du Ciel étoilé » ; elle demande aux dieux infernaux de lui donner à boire l’eau fraîche qui coule du lac de Mémoire ; elle sait aussi qu’elle doit prendre à droite et éviter de s’engager vers la gauche, dans la direction d’une autre source d’où coule l’eau de l’Oubli. Mémoire est l’eau de Vie, qui marque le terme du cycle des métensomatoses, par opposition à l’Oubli, dont l’eau de Mort représente la vie terrestre, rongée par le temps et le non-être. Mais l’eau de Mémoire n’est accessible qu’à l’initié qui a pratiqué le genre de vie réservé aux purs et accepté la discipline de salut grâce à laquelle il ne connaîtra pas le sort réservé aux non-initiés, condamnés à la boue et au cloaque d’un au-delà « cruel et glacé ».

mardi, novembre 07, 2006

ÉRINYES ou EUMÉNIDES

Nom donné dans la mythologie grecque aux déesses de la vengeance, que les Latins identifièrent avec leurs Furies. Les Anciens les appellent par antiphrase les Euménides, c’est-à-dire les Bienveillantes, de manière à s’attirer leurs bonnes grâces en les flattant. D’après Hésiode, elles naquirent du sang que la mutilation d’Ouranos répandit sur la Terre ; chez Eschyle, elles sont filles de la Nuit ; chez Sophocle, filles de l’Ombre et de la Terre. Euripide fut le premier à préciser qu’elles étaient trois. Des écrivains postérieurs les nomment Alecto (l’Implacable), Tisiphone (la Vengeresse du meurtre) et Mégère (la Jalouse). Déesses primitives, elles ne reconnaissent que leur propre loi, et Zeus lui-même doit leur obéir. On les représente ailées, coiffées de serpents et armées de fouets ou de torches. Elles habitent le royaume des Ombres. Elles punissent impitoyablement tous les crimes contre les lois de la société humaine, notamment les fautes contre la famille : elles tourmentent sans répit leur victime, qu’elles frappent souvent de folie.

Eschyle croit à la justice divine. Et en particulier lorsqu’il s’agit de fautes mettant en cause soit le respect des dieux soit la vie des humains. Ses vers résonnent un peu partout du nom des Érinyes, les déesses vengeresses attachées à poursuivre le crime. Et à chaque instant il répète que toute faute est un jour châtiée. « Nul rempart ne sauvera celui qui, enivré de sa richesse, a renversé l’auguste autel de la Justice ; il périra. » C’est la vieille croyance grecque à la némésis , mais revue et rendue plus morale ; car, pour Eschyle, les dieux ne punissent plus simplement ceux qui s’élèvent trop haut : ils punissent une faute, ils incarnent la justice.
De fait, Eschyle évoque une justice qui ne va pas sans cruauté, et dont le principe, pour nous modernes, est parfois assez déroutant.

Car les dieux prévoient de loin. S’il est un mortel qu’ils veuillent perdre, ils lui dressent des pièges, contribuent à son égarement, et l’orientent alors aisément vers la faute qui le perdra. C’est ainsi que les dieux eux-mêmes ont suggéré à Agamemnon de verser le sang de sa fille Iphigénie. Ils ont fait comme Clytemnestre, invitant ce même Agamemnon à pénétrer dans sa demeure en marchant sur la pourpre.

On a donc raison d’avoir peur, de guetter le sens des actes. Et l’on doit d’autant plus trembler que ces mêmes dieux d’Eschyle, une fois la faute commise, ne limitent pas leur colère à l’auteur de cette faute.

La tragédie des Sept contre Thèbes relate la guerre qui opposa entre eux Étéocle et Polynice, les deux fils d’Œdipe, maudits par leur père. Or tous les drames de la vie d’Œdipe venaient de ce qu’il avait tué son père Laios. Et le responsable des maux de toute cette race était précisément Laios, qui avait engendré un fils malgré l’ordre formel des dieux. On a donc, à la suite, trois générations. Et toutes trois expient la même faute initiale. Quand commence la pièce, on sait qu’Œdipe a maudit ses fils, et qu’ils doivent se tuer l’un l’autre, entraînant Thèbes à la ruine. Est-ce possible ?

Cette continuité dans le châtiment est d’autant plus terrifiante qu’elle suppose, à son tour, comme une cascade de fautes. Car le châtiment est bien d’origine divine ; mais il ne se réalise que par l’intermédiaire de quelque action humaine, elle-même criminelle. Alors, où s’arrêter ? comment finir ? comment échapper à cette suite de meurtres et de souffrances ? Ce grand problème est celui qui domine la seule trilogie conservée dans son ensemble, L’Orestie .

Ce coupable malgré lui devra-t-il payer, lui aussi, pour un meurtre auquel ne présidait aucun mobile bas ou sacrilège ? C’est le problème que pose la trilogie et auquel la dernière pièce, Les Euménides , vient apporter une réponse. Oreste y apparaît pourchassé par les Érinyes. Horribles à voir, elles incarnent la loi du talion. Mais Oreste a des protecteurs en la personne des dieux olympiens : Apollon, qui avait ordonné le meurtre, promet son secours et Athéna, sœur d’Apollon, organise à Athènes un jugement en forme ; Oreste est acquitté. Les vieilles divinités, convaincues par Athéna, acceptent de se faire les protectrices d’Athènes, où elles feront désormais régner l’ordre par le seul effet de la crainte. À l’orée de tant de crimes, on voit naître une justice humaine

Tous ces drames relatifs à diverses familles mythiques, dès l’origine vouées au désastre, sont donc autant de méditations sur les voies complexes de la colère divine. Et toutes reflètent une même angoisse, une même foi.

Comment n’aurait-on pas d’angoisse, quand on ne sait jamais quand un dieu va frapper ? Et pourtant comment n’aurait-on pas la certitude d’une justice divine, quand on voit tant de coups s’abattre sur les coupables ? Et non seulement ces coups s’abattent avec justice : ils s’abattent, en fait, pour le bien même des hommes. Ils sont une leçon de sagesse. C’est ce que le chœur d’Agamemnon appelle une « violence bienfaisante », et Zeus donne pour loi aux mortels une règle cruelle et bonne : « Souffrir pour comprendre. »

vendredi, novembre 03, 2006

Mythologie et ontologie : Naissance d’un langage

Plus difficile à saisir est le processus par lequel un vocabulaire ontologique se substitue aux noms des éléments. Par un emprunt partiel au vocabulaire déjà technique des arts du nombre et de la figure, il range, par exemple, dans les tables pythagoriciennes, l’Un et la Dyade, la Limite et l’Infini, en colonne avec le Mâle et le Féminin, la Lumière et la Ténèbre. Empruntant pour une autre part au vocabulaire technique des arts de la parole et de l’écriture, il se réfère aux souffles et aux mesures des poètes, ou aux arrangements de traits, de ronds et de demi-ronds des graveurs de lettres. Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. L’essentiel serait l’élévation à un niveau supérieur, disons de l’abstraction, ou de la conceptualisation. Que l’on mette au commencement avec les Ioniens, par exemple, l’Eau, l’Air ou le Feu, là n’est pas la chose importante. Le choix concret fait entre trois ou quatre possibilités importe beaucoup moins que le choix fait d’un principe et d’un seul. Quelle meilleure façon de signifier l’unicité du principe que de le nommer l’« Un » ? Comment faire entendre que la chose conçue tout à fait au commencement, voire avant le commencement, suffit à engendrer toutes les autres choses connues avec leurs formes et leurs limites, sans se confondre avec aucune, mieux qu’en l’appelant le « Sans-Limite » ? Une démarche régressive saisit sous le nom usuel une signification seconde, dont la valeur propre vide le nom usuel de son premier sens au profit d’un autre plus essentiel : pour cet autre, inadéquatement désigné, elle invente des mots plus purs, substituables aux premiers dans les mêmes phrases, ou dans des phrases bâties sur le même modèle. Que l’on place cet inconnu en position de sujet sous-entendu dans l’énoncé théologique traditionnel : « (il) a été, (il) est, (il) sera », ou dans un énoncé correctif : « (il) n’a pas été, (il) ne sera pas, puisqu’(il) est tout entier tout à la fois présent », et l’on reconstitue les débuts de l’ontologie. Reste à compléter ce discours naissant en ajoutant de nouveaux vocables en position d’attributs, et à forger le nom neutre de l’Être pour le mettre à la place de l’inconnu auquel réfère le pronom.

Ces noms entrent dans des phrases de structure grammaticale correcte, et les phrases s’emboîtent selon des lois connues : tantôt un moule rythmo-poétique, tantôt des schémas gnomiques, et même des groupes de propositions enchaînées à la manière des géomètres. Ainsi se forge un nouveau discours qui veut dire les plus grandes choses. Il n’est pas fait « rien que de mots ». Il se veut « discours plein de sens ». Comme le sens même inaccessible se donne toujours avec une phrase, quelle meilleure façon de le désigner que de promouvoir un usage noble pour le mot qui signifie le « Discours = Logos » ?

Le discours réglé

Qu’il ait été formé ou non à partir d’une racine signifiant « cueillir », « recueillir », « rassembler », le terme « logos » avait déjà pris en une haute époque le sens de « récit » ou « parole ». Le logos comme récit est alors qualifié de « sacré », ce qui suppose, par opposition, un récit profane. Mythos et Logos se sont séparés comme se spécifiaient, d’une part, des emplois beaucoup plus techniques de « logos » ; et comme, d’autre part, se précisait une problématique de l’illusion ou du mensonge. Le logos a pris le sens sévère d’un discours bien réglé, discipliné pour la conquête de la vérité. Le mythos a pris le sens fascinant de la parole servant à créer l’illusion, bienfaisante ou malfaisante. Même les dieux trompent, et parfois méchamment ; même leur parole bienveillante trompe, parce qu’elle dissimule des arrière-fonds de sens inintelligibles aux mortels. Reste à discerner les variétés de sens qu’a adoptées « logos » comme parole disciplinée, ordonnée à la conquête de la vérité.

Pour les spécialistes dans les arts de la parole, poètes, rhéteurs et grammairiens, « logos » a désigné le « récit », le « discours », et semble avoir ensuite pris le sens de la « formule » où l’essentiel est condensé, ou de la « loi » selon laquelle le discours progresse. C’est un discours plein de sens. Des expressions signifient « discours inintelligible », « parler barbare », « rien que mots ». D’autres expressions parallèles et contraires disent « rien que le sens », « tête du discours ». Logos semble avoir été employé pour dire le plus précieux du discours parlé, à côté de la Gnômè et du Noûs. La loi selon laquelle le discours progresse est parfois « analogique », selon le schéma scalaire : « ce que a est à b , b l’est à c ; ce que b est à c , c l’est à d . » Elle peut être calquée sur la démonstration géométrique. Ainsi passe-t-on du sens de « discours réglé » au sens de « raisonnement », et à la « raison ». Les sophistes, après les poètes, ont créé un art de mesurer la parole, ou de distribuer le discours dans le temps. Ces pratiques justifient l’usage parallèle de mesurer un débit quelconque, tel le débit d’un courant d’eau. Pourquoi ne pas mesurer de la même façon le débit du feu cosmique coulant en eau, et vice versa ? Voire le débit du temps ? Logos a pris à la haute époque le sens de « la mesure », et assumé par là un usage philosophique.

Reste à apprécier à quelle date le Logos a été hypostasié en entité divine. Il n’est pas impossible qu’il l’ait été en un temps reculé, selon le processus qui a érigé la Dikè en fille de Zeus – le Logos pourrait être un équivalent abstrait d’Hermès ou d’Apollon ; néanmoins, il semble que ce ne fut pas le cas. Les stoïciens ont hypostasié une Raison de l’univers. Les néo-platoniciens et autres doctrinaires de basse époque ont hypostasié un Logos, ou Verbe divin, rangé entre un Noûs et une Psyché. Dans le discours héraclitéen de haute époque, le Logos désignerait la parole sensée du maître, le sens de cette parole, et parallèlement la mesure selon laquelle le Feu se change en Eau. Il n’est pas nécessaire de l’ériger en nom propre pour lui donner un sens divin.