mercredi, septembre 06, 2006

Jésus, un personnage éponyme aux multiples visages


• -1000 à + 200 : la Bible
• -200 à +100 : Ecrits intertestamentaires
• 200 à 500 : Mishna et Talmud des rabbins.
Mishna : (répéter) : le fait d’apprendre la doctrine et la doctrine elle – même tradition, enseignement, interprétation.

Les hommes d’Eglise se sont attachés à faire ressortir la supériorité du Nouveau Testament considéré comme la « maîtresse » d’une littérature juive, servante et auxiliaire.

• Jésus, l’Eglise primitive et le NT : partie intégrante du judaïsme.
• Langues de Jésus : l’araméen, langue sémitique proche de l’hébreu parlé par la majorité des Juifs palestiniens. Le support de la langue dans laquelle il a enseigné a très vite disparu.

Le succès de l’Eglise primitive chez les gentils (les non-Juifs) de langue grecque a conduit les apôtres a transmettre le message évangélique (Evangiles, Epîtres) en grec. La traduction de l’araméen en grec se fait à travers une transplantation de culture complètement étrangère au paganisme gréco-romain.

Les découvertes des manuscrits du XIXème et XXème siècles ont permis de mieux connaître la littérature juive et le contexte culturel auquel appartient le Nouveau Testament :
- L’AT hébreu et araméen, les apocryphes (les livres de l’AT qui nous sont parvenus dans la seule version grecque de la Bible)
- Les pseudépigraphes (des écrits religieux qui n’appartiennent pas à l’AT hébreu ou grec)
- Les œuvres de Philon d’Alexandrie, contemporain de Jésus, il écrit des traités destinés à exposer l’interprétation de la Loi mosaïque aux Gentils.
- Les œuvres de Flavius Josèphe, né à Jérusalem d’une grande famille sacerdotale, chargé d’organiser la résistance juive contre Rome en Galilée.

Il se rend au général romain Vespasien en 67, est affranchi 10 ans plus tard. Il est aux côtés de Titus pendant le siège de Jérusalem qui s’achève par le destruction du Temple. Historien il décrit les événements dans « La guerre des Juifs » et des œuvres d’apologie du judaïsme « Les antiquités juives ».

La littérature rabbinique : Mishna et écrits rabbinique sur le Talmud, forme écrite de la Torah remonte à l’ère chrétienne.

L’évangéliste Jean

Les chrétiens orthodoxes ont la conviction que l’évangile de Jean est le plus crédible des 4 : c’est l’œuvre de l’apôtre témoin oculaire de la vie de Jésus qu’il l’aimait, en a fait son héritier et lui a confié Marie sa mère.

En réalité, l’Evangile de Jean est une exception qui ne reflète en rien le message de Jésus. Il ne décrit pas non plus la perception que ses disciples pouvaient avoir de lui.

Il est l’expression de la théologie très élaborée d’un chrétien ayant vécu à trois générations de Jésus et achevé son évangile dans les première années du 2ème siècle de notre ère.

C’est le stade le plus achevé de l’élaboration doctrinale. Il se place dans une démarche visionnaire, pédagogique du message de Jésus et s’éloigne souvent des Evangiles synoptiques, plus événementiels. D’autre part, les recherches contemporaines ne justifient pas l’a priori sur Jean biographe indépassable de Jésus.

On note, par exemple, la contradiction suivante : les synoptiques font durer la vie publique de Jésus un an, alors que Jean l’étale sur deux ou trois ans, mentionnant trois fêtes de Pâques consécutives sous le ministère de Jésus en Galilée et en Judée. Jean date la crucifixion la veille de la Pâques, c.-à-d. le 14 nisân et les synoptiques décrivent la dernière cène comme un repas pascal, conduisant à l’exécution de jésus le jour du 15 nisân.

La date : l’ouvrage a été publié vraisemblablement au début du 2ème siècle, entre 100 et 110.
L’identité de l’auteur : ce qui est notable, c’est la différence entre les synoptiques et l’Evangile de Jean. On a cherché vainement des auteurs crédibles. Il semble bien que Jean soit un auteur indépendant dont le récit n’était recevable que par un auditoire n’ayant connu ni Jésus ni ses disciples immédiats. Le portrait élaboré est celui d’un Christ divin à multiples visages, dont l’influence et l’enseignement prend un caractère universel.

Dans les synoptiques, les paroles de Jésus portent sur le Père céleste, l’arrivée imminente du Royaume de dieu, les exigences morales et religieuses requises pour entrer dans ce royaume par la porte de la repentance. L’enseignement et la religion de Jésus étaient centrées sur dieu et non sur lui-même. Questionné sur son rôle dans cette période finale de l’histoire, il répondait de façon évasive ou équivoque. Si on le poussait à dire s’il était le roi des Juifs ou le Messie, il ne répondait jamais »oui » mais « c’est toi qui le dis ».

Dans le 4ème Evangile c’est le contraire : discours longs, décousus, répétitifs, parfois de style allégorique. Ils ne concernent pas d’abord Dieu, ni le royaume des cieux ce thème clé des synoptiques n’apparaît qu’une fois, dans le dialogue avec Nicodème (Jn3, 3-5). Dans le 4ème Evangile les discours de Jésus sont centré sur lui-même, son enseignement, sa personne, sa relation personnelle à Dieu et à ses disciples. Son style est elliptique et entraîne souvent l’incompréhension du commun des mortels. Même ses propres disciples à l’esprit lent et obtus trouvent son enseignement difficile à comprendre : « A Capharnaûm, beaucoup de ses disciples qui écoutaient disaient alors : « que ce langage est raide ! Qui peut entendre ça ? Sachant qu’ils le critiquent, Jésus leur dit : vous perdez pied ? Eh bien, lorsque vous verrez le Fils de l’homme remonter là d’où il vient ! Le souffle seul fait vivre, la chair ne sert à rien, les paroles que je vous dis sont souffle et vie. Certains d’entre vous se méfient. Voilà pourquoi je dis que personne ne peut me rejoindre s’il n’y est poussé par le Père » Jn 6,60. A la différence des synoptiques, le Jésus du 4. Evangile est hautain, raide, transcendant. Il domine son auditoire et fuit toute équivoque. Quand on lui demande s’il est le Messie ou l’envoyé de Dieu, soit il affirme qu’il est bien celui-là, soit il déplore le manque de foi de ses interlocuteurs : « je vous l’ai dit et vous ne me croyez pas » Jn. 4,26.

Le Jésus de Jean ne correspond pas au prophète « homme et porte-parole de Dieu » auquel la tradition juive biblique et post-biblique nous a habitués. C’est un étranger mystérieux, un être céleste revêtu d’une apparence humaine. Dans la langue de Jean, c’est le fils de Dieu le Père au plein sens métaphysique et non plus métaphorique comme dans la Bible ou la littérature post-biblique.

Le 4.Evangile permet encore de dégager le portrait de Jésus à partir de commentaires explicites de l’auteur (le prologue).
L’Evangéliste a voulu transmettre ses propres convictions christiques, présentées comme les paroles mêmes du Fils et faire sa propre synthèse dans le Prologue.

Les facettes de la personnalité de Jésus
Jésus le Maître

Dans le judaïsme du 1er siècle, le Maître désignait un enseignant officiel, un prêtre, un scribe ou un pharisien. Peut-être est-il membre du sandhérin. Jésus n’appartenait pas à cette élite de la société juive. Il n’était pas spécialiste de la loi juive traditionnelle ni de l’interprétation de la Bible (rabbi). Les grands maîtres juifs de l’époque de Jésus, Hillel, Shammaï, Gamaliel étaient tous appelés « anciens » et non rabbis.

Or Jésus n’a pas comme eux étudié la Mishna et le Talmud auprès d’un maître renommé. A l’étonnement des notables : « Comment est-il si savant, lui qui n’a pas étudié ? »(Jn.7, 15).
Le Jésus prédicateur est défini par Nicodème : Jésus est un maître venu de la part de Dieu, car nul ne pouvait accomplir les œuvres qu’il accomplissait si Dieu n’était pas avec lui » Jn. 3,2
Selon Jean, Jésus a accepté de se reconnaître Maître et Seigneur (Jn.13, 3), mais il ne prouve pas par des signes qu’il est bien l’envoyé de Dieu. Le Jésus de Jean justifie sa mission divine en affirmant que son ministère est résolument tourné vers le Père et que ses paroles lui viennent de Dieu (Jn.7, 16). La vérité du message s’impose par l’orientation théocentrique du messager : « Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire, mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé (Dieu le Père) est véridique, il n’y a pas de mensonge en lui » (Jn.7,18)

Jésus le Prophète

Au plan biblique, et dans le judéo-christianisme du temps de Jésus, le prophète désigne :
Un thaumaturge (faiseur de miracles), comme Elie ou Elisée dans le premier Livre des Rois.
Un messager inspiré de Dieu pour révéler ses secrets comme Isaïe ou Jérémie, qui ont laissé des traces écrites derrière eux.

Au 1er siècle de notre ère, le visage du prophète est polymorphe : enseignant, eschatologique qui annonce les événements de la fin des temps, le thaumaturge qui fait des miracles, les prophètes qui annoncent la libération ultime du peuple juif, tels que les décrit l’historien Flavius Joseph (Theudas, Fadus, l’Egyptien fortement réprimés par les Romains). Tout ce matériel est développé dans les synoptiques.

Jean qui écrit trente ans après la chute de Jérusalem en 70, n’associe pas Jésus à une démarche de type révolutionnaire, ce qui aurait contrarié l’évolution du christianisme dans les provinces orientales de l’Empire romain. De même, il minimise le rôle prophétique et la fonction de prédicateur de Jésus. Il restreint son activité de guérisseur et d’exorciste.

Par contre, il pointe l’aspect charismatique de l’homme de Dieu qui peut lire les pensées secrètes dans les cœurs et accomplir des miracles spécifiques : l’aveugle guéri le reconnut comme un prophète ou collectifs : Jésus ayant nourri 5000 personnes avec cinq pains d’orge. Le texte ne parle pas « d’un » prophète mais du prophète, c.-à-d. un personnage bien déterminé « Celui-ci est le prophète qui doit venir dans le monde » Jn.6,14, alors que dans les synoptiques Jésus n’est que l’un des prophètes (Mt. 16,14 ; Mc.8,28 ; Lc.9,19). Jean s’approprie donc l’enseignement du judéo-christianisme naissant relatif au messianisme tel qu’on le trouve formulé dans les Actes de Apôtres ( 3,17-26 ; 7,37) qui se font l’écho d’une attente citée dans les Apocryphes et les Manuscrits de la mer Morte.

Au total, les titres de Maître et de Prophète ne correspondent pas, pour Jean, à la dignité de Jésus

Le Messie

L’Oint (Mashiah en hébreu, Meshiba en araméen, Christos en grec) est l’un de titres les plus couramment attribués à Jésus par les auteurs du Nouveau Testament. A cette époque, le Messie ne désignait pas seulement le Messie Roi, mais également le Messie prêtre comme en témoigne les Ecrits de la mer Morte et l’épître aux hébreux. Et la ferveur messianique, loin d’être omniprésente, est attestée, dans la littérature juive, lors des soulèvements politiques survenus de –200 et + 100. Le thème messianique repose sur l’espoir du Roi Messie à venir, issu de la lignée de David, qui restaurera la souveraineté du peuple juif en mettant un terme à des siècles de domination étrangère notamment l’Empire romain.

Les synoptiques associent Jésus à la dynastie royale juive en faisant remonter sa lignée jusqu’à David (Mt. 1, Lc. 3) et en le qualifiant de « Fils de David »( Mt 9,27 ; Mc 10, 47-48 ; Lc 18, 38-39).

A l’époque de rédaction du 4 eme Evangile l’idéologie davidique s’est atténuée. Les esprits refusent toute possibilité d’un rapprochement entre Jésus et cette figure messianique. Jean note dans la bouche des Juifs les propos hostiles : Jésus le Galiléen ne pouvait remplir la fonction d’un messie qui devrait être traditionnellement issu de Bethléem. Autre obstacle, la croyance en une origine secrète, le Messie arriverait soudainement, comme s’il venait de nulle part. « Nous savons d’où vient cet homme ; le Christ, lui, personne ne saura d’où il vient » (Jn 7, 26-27)

Jésus le juif :

Les évangélistes décrivent Jésus comme un Juif profondément attaché aux lois et coutumes de son peuple :
Présence dans les synagogues de Galilée et au temple de Jérusalem.
Il mena la Pâques juste avant son arrestation.
Ses vêtements avaient la frange traditionnelle.
Respect pour la législation rituelle : il ordonna au lépreux après l’avoir guéri d’aller se soumettre au jugement des prêtres et d’offrir au Temple le sacrifice prescrit.

Il enseigne la valeur permanente de la Tora : « Avant que ne passent le ciel et la terre, pas un iota, pas le moindre trait ne passeront la loi » Mat. 5,18 ; « l ciel et la terre passeront plus facilement que ne tombera de la loi un seul trait »Lc. 16,17. Bien des efforts ont été faits (dans l’Eglise primitive et dans le christianisme postérieur) pour nier l’affirmation de Jésus sur la permanence de la Tora. Et pour insinuer que la rupture entre le judaïsme, centré sur la loi et le christianisme, mû par l’esprit, avait été initiée par Jésus.

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