vendredi, février 09, 2007

Corpus Hermeticum : Traité XIII

Corpus Hermeticum : Traité XIII
Hermès Trismégiste à son fils Tat :
Discours secret sur la Montagne
Concernant la Régénération et la Règle du Silence

Le XIII est un logos d’enseignement, exemple unique dans la littérature hermétique. Le disciple Tat demande un supplément de lumière. Hermès a différé cette instruction car il estimait que Tat n’était pas prêt. Mais maintenant, il a « fortifié son esprit contre l’illusion du monde » : l’heure est venue de la transmission du mystère. C’est une initiation, la révélation d’une doctrine secrète qu’il est interdit de révéler aux profanes.

« Père, tu m’a parlé par énigme et sans répandre la lumière quand tu as traité de l’activité divine. Tu ne m’as pas donné la révélation sous prétexte que personne ne peut être sauvé avant la régénération. Tu as promis de me la transmettre «quand je serai prêt à me rendre étranger au monde ». Me voici prêt : « j’ai fortifié mon esprit contre l’illusion du monde ». Supplée de ton côté à mes manques de la façon que tu as promis de me transmettre le Logos de la Palingénésie (régénération, nouvelle vie) de vive voix ou par un moyen secret. J’ignore, ô Trismégiste, de quelle matrice l’homme est né et de quelle semence. »

La matrice est la Sagesse intelligente dans le Silence.
La semence est le vrai Bien.
Le Père est le Vouloir de Dieu.

L’Initiateur est Hermès.
« Et de quelle sorte est l’engendré, Ô Père ? Car il ne peut participer en rien à ma propre substance. »
L’engendré sera différent, il sera fils de Dieu, le Tout dans le Tout, composé de toutes les Puissances.
« Tu me dis une énigme, tu ne me parles pas comme à un vrai fils. »
Cette sorte de chose ne s’enseigne pas, mon enfant, mais quand il lui plaît, Dieu lui-même en donne le ressouvenir.

« Tu me donnes des explications impossibles ! Je suis né comme un fils étranger à la race de mon père, ne me refuse pas ta science, expose-moi tout au long le mode de régénération. »
Je ne puis te dire que ceci : voyant en moi-même une vision immatérielle produite par la miséricorde de dieu, je suis sorti de moi-même pour entrer dans un corps immortel, je ne suis plus ce que j’étais, j’ai été engendré par l’Intellect. Cette chose ne peut s’enseigner. Je n’ai plus de couleur, ni le sens du toucher, ni la mesure de l’espace. Tu me vois avec les yeux, mais ce que je suis, tu ne peux pas le comprendre en me regardant avec les yeux du corps et par la vue sensible.

« Tu m’as jeté dans un égarement d’esprit, car je ne me vois plus moi-même. »
Plût au Ciel que toi aussi tu fusses sorti de toi-même.
« Qui est l’Opérateur ? »
Le fils de dieu, un homme comme les autres, par le vouloir de dieu. (Chaque être lui-même régénéré).

« Qu’y a-t-il donc qui soit vrai, Ô Trismégiste ? »
Ce qui n’est pas pollué, mon enfant, ce qui n’a point de limite, point de couleur, point de figure, ce qui est immuable, nu, brillant, ce qui ne peut être appréhendé que par soi seul, le Bien inaltérable, l’Incorporel.

« Me voici fou ! Je pensais que tu m’avais rendu sage et voilà qu’a été bouchée la perception que j’ai de ma pensée. Comment percevoir ce qui n’est ni rigide ni liquide, ce qui ne peut être serré, ce qui n’est appréhendé que dans les effets de sa puissance et de son énergie. Suis-je donc incapable de concevoir la naissance en dieu ? »
Attire-le en toi et cela viendra. Arrête l’activité des sens du corps et alors se produira la naissance de la divinité. Purifies-toi des punitions irrationnelles de la matière.
« J’ai donc des bourreaux en moi ? »

Et pas en petit nombre, mais terribles et nombreux.
« Je ne les connais pas. »

Cette ignorance même est la première des punitions, (vices) puis la tristesse, l’incontinence, la concupiscence, la tromperie, l’envie, la fraude, la colère, la précipitation, la méchanceté. Ces punitions sont douze en nombre. Mais d’autres plus nombreuses, par l’intermédiaire de la prison du corps, forcent l’homme intérieur à souffrir par le canal des sens. Au contraire, elles s’éloignent de l’homme dont dieu a pris miséricorde et c’est en cela que consiste le mode et le sens de la régénération. (Les vices proviennent des douze signes du Zodiaque, comme ils provenaient des Planètes dan le Traité

I)
Le silence : « Maintenant ne parle plus mon enfant, garde un religieux silence : en récompense, la miséricorde ne cessera plus de descendre de dieu sur nous. Réjouis-toi, voici que te purifient à fond les Puissances de Dieu. La connaissance de dieu est venue jusqu’à nous, l’ignorance a été chassée. Les douze punitions font place à la joie, la continence, l’endurance, la justice, la bonté, le partage, la vérité, le bien, la vie, la lumière : dix puissances, la Décade, nombre sacré et parfait, remplace la Dodécade.

Par la venue de la Décade, la génération spirituelle, la naissance selon dieu a dominé la sensation corporelle, je suis constitué par les Puissances divines. Je me représente les choses avec les yeux de l’esprit. Comment les dix puissances chassent-elles les douze punitions ?

Cette « tente » (la prison du corps) dont nous sommes sortis a été constituée par le cercle du Zodiaque est remplacée par le corps spirituel constitué par la Décade des Puissances, identiques à l’Unité ou au Pneuma. Douze vices remplacés par dix vertus. Ainsi selon la raison, la Décade contient l’Unité et l’Unité la décade.

Puissances = Décade = Unité = Esprit = Vie et Lumière.
« Ce nouveau corps composé de Puissances, subit-il un jour la dissolution ? »
Le corps sensible de la nature est bien éloigné de la génération substantielle, car l’un est mortel, l’autre est immortel. Tu es né dieu, fils de l’Un.
Tat manifeste le désir d’entendre l’hymne de la régénération.
Hermès impose le silence, car cet hymne n’est pas objet d’enseignement mais doit rester enseveli dans le silence. Pour l’entendre, il faut se tenir debout, en un lieu à ciel ouvert, face au vent du sud à la chute du soleil, au vent d’est au lever du soleil.

Hymne de la régénération : discours d’Hermès :
« Je vais chanter le Seigneur de la Création, et le Tout et l’Un. Celui qui a crée tout l’univers, qui a fixé la terre…c’est lui qui est l’œil de l’intellect, qu’il reçoive donc l’eulogie de mes Puissances. ». Eu : bien, eulogie, discours sur le bienfait. Remarquons la similitude du créateur gnostique et du créateur de la Bible. C’est le Créateur lui-même qui habite dans l’homme régénéré, et, devenu son œil spirituel lui permet de voir les réalités spirituelles selon le procès de l’Enstase : c’est le dieu qui est descendu dans l’homme, par opposition à l’extase).

« Sainte Connaissance, illuminé par toi, c’est grâce à toi que je célèbre la lumière intelligible et me réjouis dans la joie de l’intellect » : le Noûs, le Logos, le Pneuma, expriment une même réalité, le Dieu qui habite dans l’âme, ayant construit en elle « l’homme nouveau ».

« Ma justice, chante le Juste, vérité la Vérité. Vie et Lumière, c’est de vous que vient le Bien et c’est à vous qu’elle retourne. Je te rends grâce, Père, énergie des Puissances. Je te rends grâce, Dieu, puissance de mes énergies. Ton Verbe par moi te chante. Par moi reçois le Tout en parole, comme sacrifice spirituel. Ô porteur de l’esprit, Démiurge, c’est toi qui est Dieu. ».

Tat, par la vertu de l’hymne d’Hermès, a été « illuminé à plein » et il se sent capable de chanter à son tour : « Toi, le Seigneur, toi l’Intellect, reçois de moi les sacrifices spirituels que tu veux. Car c’est par ta volonté que tout s’accomplit. »

L’initiation et le secret :
« Maintenant que tu as appris ceci de moi, promets-moi le silence en ce qui concerne ce pouvoir miraculeux, ne révélant à personne, enfant, le mode de transmission de la régénération, afin que nous ne soyons pas des divulgateurs. Maintenant tu te connais dans la Lumière de l’Intellect, toi-même et notre Père commun ».

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