lundi, janvier 07, 2008

L'ETAT QARMATE DU BAHREIN

L’Etat qarmate du Bahrein
L’Etat qarmate qui apparut à la fin du IXe siècle au Bahrein et qui se maintint pendant près de deux cents ans (jusqu’en 1076), fut une entité politique originale dans l’histoire de l’Orient médiéval. Son histoire commença lorsque l’un des chefs de la révolte qarmate, Abu Saïd al-Djannabi, envoyé en Arabie par Hamdan Qarmat (le fondateur du mouvement), s’installa sur la côte orientale de la péninsule pour y établir un Etat, autour de la grande oasis d’al-Hasa. Il y régna pendant une vingtaine d’années, assisté d’un conseil de direction composé de hauts fonctionnaires. A la mort d’Abu Saïd en 913 et jusqu’au milieu du XI e siècle, l’Etat qarmate fut placé sous la direction d’un gouvernement collégial qui réunissait ses descendants ainsi que ceux de ses premiers partisans. La vitalité économique de cet Etat était assurée par les butins des campagnes militaires qarmates, par les droits de douane perçus sur tous les navires qui empruntaient les routes maritimes du golfe arabo-persique, ainsi que par les droits de protection payés par les caravanes du Pèlerinage. L’excédent qui était dégagé de ces diverses opérations, ainsi que l’achat de plusieurs milliers d’esclaves noirs, permit l’épanouissement de cette « société dont l’ordre et la justice suscitèrent l’admiration d’observateurs non-karmates » : les habitants, en effet, « ne payaient ni impôts ni dîme, et toute personne qui s’était appauvrie ou endettée pouvait obtenir un prêt qu’elle pouvait rembourser lorsque sa situation s’était rétablie ; les prêts n’étaient jamais productifs d’intérêts, et toutes les transactions commerciales locales se faisaient au moyen d’une monnaie de plomb purement symbolique. [...]La réparation des maisons était faite gratuitement par les esclaves des dirigeants, et des moulins étaient entretenus par le gouvernement pour moudre gratuitement le blé pour les habitants. » Enfin, « à partir de l’époque d’ Abu Saïd, les prières, le jeûne et les autres pratiques musulmanes furent abolies, mais un marchand étranger fut autorisé à construire une mosquée à l’intention des visiteurs musulmans ».
  • Paradoxe à l’état pur, l’organisation sociale des Qarmates du Bahrein était donc, pour résumer, un sorte de Welfare State esclavagiste, s’appuyant sur une économie parasitaire à l’extérieur et pratiquant à l’intérieur une forme de communisme, le tout sous les ordres d’une dynastie dont la doctrine religieuse avait pour conséquence la laïcisation de la société.

« Depuis les croisades, le Haut-Languedoc était tourné vers l’Orient, et les comtes d e Toulouse étaient comtes de Tripoli ; un commerce actif rapprochant par mer les trois croyances, chrétienne, juive, mahométane, il en résultait quelque chose de pis que l’indifférence en matière de foi, un déplorable syncrétisme de doctrines et de croyances ; enfin les mœurs et la foi équivoques des chrétiens en Terre Sainte, corrompus par le voisinage des infidèles, avaient influé d’une manière notable sur les provinces du Midi. » (Emile Aroux, cité par Alice Becker-Ho, Du Jargon Héritier en Bastardie, pp. 74-75.) La plupart du temps, ce conseil était présidé par l’un des descendants d’Abu Saïd. Ce fut en particulier le cas d’Abu Tahir lui-même, qui était son fils cadet, et qui gouverna de 923 à sa mort en 944.

  • Article « Karmati » de l’Encyclopédie de l’Islam , nouvelle édition établie par E. van Donzel, B. Lewis et Ch. Pellat, Leiden-Paris, Brill-Maisonneuve & Larose, tome IV, 1978, p. 691.

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