dimanche, septembre 17, 2006

Le Verbe-Logos de Jean dans le prologue

Petit rappel : les Evangélistes ont fait précéder leurs écrits d’une introduction : Marc choisit le départ historique de Jésus en compagnie de Jean-Baptiste ; Matthieu et Luc partent de la naissance miraculeuse et la première enfance du Christ.

Le prologue de Jean est un résumé limpide de l’enseignement développé dans toute son œuvre. Le Logos est celui par qui tout fut créé, bien avant qu’il ne s’unisse mystiquement au corps du Juif Jésus. Il est venu dans le monde pour apporter aux enfants de Dieu la lumière, la grâce et la vérité.

Le prologue veut imiter le début du livre de la Genèse : les deux textes s’ouvrent par la même expression : « Au commencement ». Ils font culminer la création dans le don de la vie et ils suggèrent l’irruption de la lumière dans les ténèbres.

Ce contraste entre la lumière et les ténèbres est un thème essentiel de l’enseignement du Jésus de Jean (Jn 3,19-21 ; 8,12 ; 9,5 ; 12,35-36). Il évoque le dualisme présent dans les manuscrits de la mer Morte, en particulier la Règle de la Communauté avec son instruction sur les deux Esprits (1 QS 3,13-4,26) et la guerre des fils de la lumière contre les fils des ténèbres. L’expression « fils de lumière » se trouve d’ailleurs une fois chez Jean (12,36). Mais l’expression « fils des ténèbres » est absente du NT.

Si le 1er chapitre de la Genèse rapporte la création du monde, Jean se préoccupe des mystères divins, préparant ses lecteurs à l’articulation de la vie divine et à sa projection humaine.

« Au commencement était le Logos (le Verbe) et le Logos était en Dieu, et le Logos était Dieu…tout a été créé par lui (le Logos)…en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. La lumière brille dans les ténèbres.. » Jn 1,1-5.

Jean connaît bien la philosophie et le mysticisme grecs, où le Logos joue un rôle essentiel. C’est également un concept fondamental dans la théologie de Philon d’Alexandrie. On le retrouve également dans l’hermétisme grec, spéculation mystique des écrits d’Hermès (le Trois Fois Très Grand) et il influencera le christianisme hellénistique. Dans le mysticisme hermétique, qui vise la déification de l’homme par la connaissance, le Logos est appelé « Fils de Dieu ». Jean parlera du « fils unique qui est dans le sein du Père ». Pour Philon, comme pour Jean, le Logos est celui par qui Dieu créa le monde : il exerce un rôle médiateur entre Dieu et le genre humain. Il est le Principe donnant forme et ordre à tout ce qui existe dans le monde. Le mystérieux Logos divin existant avant la création domine tout le prologue. Le Logos signifie bien parole, mais aussi raison, réflexion consciente. Le Logos n’a pas été envoyé par Dieu, il est venu de sa propre initiative, comme une source de lumière pour vaincre les ténèbres qui existaient alors et pour illuminer et élever à la dignité d’enfants de Dieu ces hommes qui étaient prêts à le recevoir et à croire en lui, contrairement à son propre peuple : l’approche de Jean est fondamentalement universaliste.

Le Prologue conduit logiquement le lecteur vers l’idée d’incarnation : « Et le Verbe s’est fait chair et est demeuré parmi nous » Jn1,14. Ainsi le Logos divin dans la personne de Jésus est descendu sur terre pour rendre visible le Dieu invisible. Sa lumière est accessible à tous.

Jean a su tenir à distance l’enthousiasme eschatologique que prêchera Paul. Il a préservé son Eglise de la crise engendrée par le retard de la parousie et de la fatalité millénariste.

On voit ici Jean se livrer à une lecture hermétique de la création et à une adhésion rationnelle qui dépasse les récits synoptiques donnant toute la place aux multiples facettes de Jésus en pérégrinations.

Son interprétation est celle d’un philosophe d’un esprit nouveau qui unit la culture hellénistique du concept à la foi véhiculée par l’homme Jésus, image d’une relation individuelle avec la puissance divine. Tout homme pensant peut se l’approprier au-delà de l’ecclésial, comme un message universel. C’est ainsi que nous pouvons intégrer dans notre personne, au plan symbolique de l’identification, un vécu constitutif de notre humanisme. Car Jean apprend la distanciation.

C’est peut-être ici que la notion d’amour peut s’enraciner dans le partage.

On pourrait illustrer encore une fois un procès de démythologisation par Jean du mythe Jésus des Synoptiques. Et le Logos prend alors le sens originel donné par Héraclite : celui de discours vrai : « Il est sage que ceux qui ont écouté, non moi, mais le discours, conviennent que Tout est Un » fragment 1 ou 50. Sagesse, science, discours vrai.

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