jeudi, septembre 28, 2006

Le saint Empire Romain Germanique et les deux Frédéric

Introduction

Le Saint-Empire romain germanique ou l'avènement de ce que nous appelons la Jérusalem Céleste ou « le Saint-Empire spirituel ».
Nous aborderons ici en plus le mythe du Saint Empire, développé par Dante dans De Monarchia.

Frédéric

« Fréderic » constitue à la fois un axe de réflexion et une clé symbolique. Si Fréderic II de Hohenstaufen et Fréderic II de Prusse ont bel et bien existé on ne peut nier que leur œuvre à laisser quelques traces jusqu’á nous.

Leur prénom n’est pas le fruit du hasard. Il a un sens qu'il n'est pas inutile de souligner dès le début ce travail.
Son étymologie est Friede Reich, le Royaume (ou l'empire) de la paix.

Ce nom en porte donc une signification et une puissance que l'on ne peut ignorer. En outre il est l'équivalent de « Salomon », ou plus exactement de Shelomoh qui signifie «Paix ». Les deux triangles équilatéraux inversés qui forment son sceau symbolisent bien la totalité de l’univers.

La pointe dirigée vers le haut symbolise le spirituel celle tournée vers le bas le matériel et le point central la totalité du cosmos. C'est donc cette totalité qui constitue le Royaume de la Paix et non pas l'une ou l'autre partie du monde de la manifestation.

Le roi d'Israël et Frédéric de Hohenstaufen ont eu somme toute, des destines assez parallèles. Dans la première partie de leur règne ils ont bénéficié d'un mandat du Ciel, mandat qui leur est ensuite retiré et leur aventure se termine assez mal. Salomon trahi, le royaume d’Israël est divisé en deux après sa mort puis c est la captivité à Babylone. Paradoxalement Frédéric incompris par ses contemporains, doit faire face aux révoltes aux conjurations et aux condamnations pontificales.

Dans la lutte gibeline, l’exotérique supplante l'ésotérique, et les coups les plus rudes sont portés par le pouvoir papal allié au parti guelfe. L'histoire sacrée nous lègue de Salomon une image qui est celle du « sage », tout à l'inverse de celle que nous a laissé le Staufen.

La notion d'empire

Le Saint-Empire romain germanique, après la mort de Frédéric de Hohenstaufen connaît une lente agonie avant sa dissolution prononcée par l'empereur d’Autriche François II de Habsbourg en 1806, à la suite des défaites face à Napoléon. Lente fut aussi l'agonie de Frédéric II de Prusse dont la fin de règne fut difficile. A leur manière les deux Frédéric l'un par la dimension de son action et de sa vision l'autre par sa signature réelle ou supposée ont témoigné de cette vision d'universalité. Quels liens unissent donc ces deux personnages d'exception et en quoi ont-ils œuvré pour le Saint-Empire ?

Il n'existe pas de définition unique de l’empire. Les empires ont revêtu des formes variées selon les temps et les lieux. Ainsi la Chine, l'Inde, la Perse, l'empire gréco-macédonien, l'Égypte l'empire arabe sous le califat, l'Éthiopie avec son Roi des Rois ont été des empires, au même titre que Rome ou le Saint-Empire romain germanique.

L'Empire perse est fondé par Cyrus le Grand. Darius son fils, développe et installe le modèle impérial des Achéménides. Les différents peuples sont regroupés en vingt satrapies et la première la Perse est le centre du monde. Cette œuvre est poursuivie par Xerxès. Dans le modèle perse, le Roi est le lien entre Dieu et les hommes, ce qui est, différent de l'Égypte ou de Rome où il est divinisé.

Alexandre le Grand probablement, influencé par le modèle perse tente de créer un empire. Mais c'est Rome qui va le réaliser en le basant dune part sur une vision politique et d'autre part sur un appel à un principe divin.
Le califat d'Orient a duré six siècles. Sous les Abbassides sa capitale est Bagdad, nom qui signifie -Dieu l'a donné-. Mais elle est également nommée Madînat al-Salâm, cité du Salut ou de la Paix par allusion au Paradis.

À partir du modèle romain qui peut être considéré comme l'aboutissement des empires égyptien, perse et gréco-macédonien qui l'ont précédé, tentons de définir la notion d'empire.

C'est une organisation dans laquelle on trouve le plus fréquemment les éléments suivants :

• L'empire rassemble plusieurs populations différentes. par opposition au royaume composé d'un peuple soumis à une souveraineté qui a pour vocation d'assurer une cohérence nationale.

• Chaque entité de l'empire est soumise à l'exercice d’une autorité qui lui est propre. Les empires sont donc plurinationaux. Les autorités locales sont reconnues mais dominées par celle de l'empereur. L'unité impériale apporte aux entités des avantages, tout en évitant le poids et la lourdeur dune centralisation excessive.

• I1 y a un lien entre le souverain et la divinité. Le mandat impérial vient du Ciel. À Rome, les empereurs sont divinisés. Ailleurs, le sacre consacre ce lien. Les empires ont existé là où sont pratiquées des religions universalistes, c'est-à-dire des religions accessibles à tous et non réservées à un peuple élu. Les autres religions sont tolérées ou intégrées. Dans certains cas le souverain détient les trois pouvoirs traditionnels.

• L'existence même de l'empire ainsi que sa taille implique un minimum de circulation des idées, des hommes et des marchandises. Cette circulation nécessite un minimum de voies de communication, qu’elles soient terrestres, fluviales ou maritime. Mais en même temps ce dispositif présente un point faible : il sert également aux ennemis et envahisseurs.

• La couronne impériale coiffe les couronnes royales ou bien l'empereur réunit sur sa tête plusieurs couronnes comme ce fut par exemple le cas en Égypte, ou pour le Saint-Empire romain germanique.

• Le pluralisme implique une certaine tolérance. Il y a unité au niveau de l’empire, mais les diversités sont tolérées. L a pluralité des peuples implique une tolérance religieuse voir une pluralité des religions, coiffée par la religion de l’empereur.

• L'empire a vocation à l’universalité, donc à s'étendre territorialement. L'empire regroupe par conséquent sous une même autorité et à l'intérieur d une organisation divers peuples, politiquement et religieusement relativement, autonomes s'appuyant sur un principe fédérateur supra-humain.

Caractéristiques aussi sont les titres attribués aux empereurs :

Roi universel pour les Indes. Roi des quatre directions pour les Incas, Roi de la totalité pour les Assyriens Roi des rois pour l’Éthiopie et la Perse, Empereur unique pour Rome.

Ceci correspond bien à l'ambition impériale : vouloir s'étendre à la totalité bref être universel.

Cette totalité concerne horizontal (la terre) mais également le vertical (le Ciel).
Un des symboles impériaux est l'aigle bicéphale surmonté d'une couronne.

C’est le symbole du pouvoir par excellence et des états spirituels supérieurs. II représente la quête de lumière. Il vole haut et il est un messager de la volonté divine. La couronne indique clairement que les deux pouvoirs temporel et spirituel, sont -regroupés sur une même tête.

Par exemple aigle impérial russe est monocouronné. Dans le cas où les deux têtes portent chacune leur couronne il y a séparation des pouvoirs royaux et sacerdotaux.

En Iran achemeniénide l'étendard est un aigle d’or, l'aigle symbolisant la puissance et la victoire dans la religion mazdéenne. Au-dessus de la manifestation plurielle, l'aigle bicéphale monocouronné témoigne du pouvoir suprême et de l'unité impériale sur un plan supérieur.

Même si i empire a une vocation universaliste et stable, il est par construction instable car il est ordonné dans un univers turbulent.

Aussi les empires sont-ils mortels soit du tait des armées extérieures soit par décomposition. L’Empire dont la construction est à la fois militaire et politique débouche dans son achèvement sur la Paix universelle, condition essentielle pour que tout homme puisse être pleinement libre.

Aussi essayerons-nous de comprendre comment le Saint-Empire romain terrestre va dans son effondrement libérer un Saint-Empire spirituel et comment à cinq siècles de distance les deux Frédéric ont contribué chacun à leur façon à l'éclosion de concepts spirituels.

Le Saint-Empire romain germanique e été progressivement construit sur les décombres de l'Empire romain. Le partage de ce dernier en 394 entre Empire d Occident et Empire byzantin, ayant respectivement Rome et Constantinople pour capitale mettait déjà à mal la notion même d'empire : l'unité était brisée alors que l'empire a pour vocation de rassembler. L'Empire romain d'Occident s'achève en 476 avec la déposition du dernier empereur. Romulus Augustule, par les Goths. Constantinople tombe en 1453 sous les coups des troupes de Mehmed II.

Le Saint-Empire romain germanique (962-1806)

Sur les ruines mérovingiennes. Charlemagne tente de constitue- un empire dont le centre est Aix-la-Chapelle. Il est sacré à Rome, à la Noël de l'an 800 par le pape Léon III. Signalons qu'à cette occasion il reçoit des mains de représentants du calife Haroun al-Rachid les clés du Saint-Sépulcre, preuve que des relations existent entre le monde chrétien et le monde musulman.

Il fait couronner roi en 813, soit un an avant sa mort, son seul fils survivant, Louis le Pieux. Ce dernier se fait ensuite couronner empereur par le pape, lui attribuant ainsi un rôle capital dans le processus d'accession au Trône impérial, rôle que les papes suivants ne se priveront pas d'exercer.

Louis le Pieux partage entre ses trois fils son empire. Son petit-fils. Charles III le Gros (839-888), recueille par succession suite aux décès successifs des autres monarques les différentes parties de l'Empire carolingien. S'il restaure l’unité de l'empire il se montre incapable de refouler les Normands. Attaqué à l'est par son neveu Arnoul qui le dépossède de la Germanie, il abdique en 887 et décède l'année suivante. L'empire est alors partagé en cinq royaumes. Arnoul en 896, prend le titre impérial qui sera encore porté par des roitelets italiens. Le dernier roi d'Italie, Bérenger 1er de Frioul, est assassiné en 924. C'en est fini de 'Empire carolingien.

Roi de Germanie en 936 roi d'Italie par mariage en 951 Othon 1er dit le Grand (912-973) est couronné le 2 février 962 empereur allemand par le pape Jean XII à Rome. Il est considéré par les historiens comme le premier empereur du Saint-Empire romain germanique, même si à l'époque cette entité ne porte pas encore ce titre. Othon 1er se considère comme l'héritier de l'antique tradition romaine et de Charlemagne. Sa vision du monde résulte de l'association de l'universalité impériale et des valeurs chrétiennes.

Progressivement. en réunissant diverses principautés sur un territoires qui s’étend de Rome à la Pologne et la Hongrie, puis s'élargissant a l’Italie du Sud et la Sicile , cet empire devient le Saint-Empire romain germanique qui couvre Allemagne, l'Italie du Nord et l'Italie du Sud. La titulature évolue en parallèle dans les usages.

Cet État prend le titre d’Empire romain en 1034, de Saint-Empire en 1157 et enfin de Saint-Empire romain germanique en 1254. Le royaume des Francs restera toujours en dehors de cette construction. En même temps le centre de gravité bascule d Aix-la-Chapelle vers Rome.

Le Saint-Empire est fondé sur volonté de continuer l'Empire romain en s'appuyant sur deux couronnes : celle de l'empereur et celle du pape. C'est donc plus un concept qu'un espace géographique de souveraineté bien défini. L’empereur est couronné dans la chapelle octogonale d'Aix-la-Chapelle. Il est ensuite sacré à Rome par le pape qui le fait "Oint du Seigneur" sacralisant sa personne et l'investissant de toute la puissance impériale.

Dieu est représenté sur terre par l'empereur et le pape. Ces deux autorités vont s'affronter ce qui causera leur perte. En effet cette partition des pouvoirs, même si elle a vocation à l'universalité, porte en elle le germe de son autodestruction. L’empereur estime qu'il tient son autorité de Dieu. Son pouvoir impérial l'autorise à pratiquer le césaro-papisme, c'est-à-dire l'intervention de l'empereur dans les affaires de l'Église.

La dynastie othonienne

Le règne d'Othon 1er inaugure une longue suite de relations tumultueuses entre l'Empire et la papauté. Le lit de la querelle des Guelfes et des Gibelins est fait : l'empereur voulant se mêler de l'élection du pape et réciproquement, le pape intervenant dans les affaires impériales en particulier lors de l'élection d’un nouvel empereur par la Diète (encore appelée assemblée d'Empire). Si à certains moments l’alliance entre le pape et l'empereur est bien réelle, à d'autres, c’est l'affrontement parfois concrétisé car des excommunications qui font office d'armes politiques et non de sanctions religieuses. À terme, ces confits conduiront les deux partis à leur perte.

Son fils, Othon II (955-983) couronné en 967 du vivant de son père - on ne saurait en ces temps être trop prudent - prend le titre d'Empereur romain. Mais ce n'est pas l'Empire romain liquidé il y a cinq siècles qui renaît. D'empire, cette confédération n'a à ce moment, que le nom.

Son successeur Othon III (980-1002) sacré empereur à Rome en 996 manifeste nettement son ambition de retourner au modèle romain : c'est la "rénovation de l'Empire romain". Il veut refaire de Rome le "Centre de l'Empire". La couronne impériale que l'on peut admirer à Vienne lui fut souvent attribuée. Actuellement on pense plutôt que c'est celle de Conrad III (1024-1039). Par sa forme octogonale, elle préfigure l'architecture du célèbre château de Castel del Monte. La plaque du front représente le roi Salomon.

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