1 Origine de la Civilisation Mésopotamienne
Avant le 4éme millénaire, la préhistoire a laissé des vestiges archéologiques très abondants, mais insuffisants pour donner une connaissance des phénomènes humains. L'histoire commence avec l'écriture : un système de signes propres à matérialiser et fixer la pensée et la parole. Au tournant du 4° et du 3° millénaire le rideau de l'histoire se lève sur ce pays " Entre les deux Fleuves " où deux ethnies vont accomplir leur symbiose.
1. Le peuple sumérien.
Il occupe la partie méridionale du pays depuis des temps préhistoriques, car il n'existe aucune trace de son origine même s'il est vraisemblable qu'il soit arrivé de l'est ( Plateau iranien ) ou du sud-est, ( la côte iranienne du Golfe Persique, tirant vers l'Océan indien ) ou encore par la mer.
La langue: le sumérien, que l'on ne peut rattacher à aucun rameau linguistique connu.
La culture : pendant tout le 3° millénaire se fait sentir l'hégémonie culturelle sumérienne: intellectuelle, spirituelle, technique. La personnalité sumérienne met en jeu des dispositions intellectuelles brillantes avec une ingéniosité, une inventivité, une volonté de progrès qui aboutiront à la découverte de l'écriture. La manifestation verbale et psychologique est prosaïque, rigide et froide, mais logique, précise, férue d'analyse et de savoir, rationnelle. Elle explique cette passion pour l'inventaire, le classement des phénomènes, leur mise en place et en ordre dans le cadre de l'univers; un tempérament de comptables ,de juristes, de savants méticuleux plus que de poètes.
2. Le peuple akkadien
Il occupe la partie septentrionale de " l'Entre-deux Fleuves "et vient de la frange nord du Désert syro-arabe où leurs ancêtres menaient une vie assez vagabonde d'éleveurs de menu bétail. Ils sont venus se sédentariser dans les terres les plus riches.
C'est une ethnie sémitique, unie depuis longtemps par la langue sémite qui se particularise ici en akkadien. Contrairement aux sumériens, ils avaient une patrie première.
Les sémites sont doués d'une imagination brillante et fougueuse, d'une grande vigueur verbale et capables d'un lyrisme puissant, que l'on retrouvera chez les Prophètes et les poètes de la Bible.
3. Une civilisation hybride.
Constituée à l'initiative des sumériens et demeurée longtemps sous leur rayonnement direct, puis virtuel, la civilisation mésopotamienne est donc radicalement hybride. Ce croisement harmonieux, dans une tolérance rare, de deux hérédités, aboutit à un tout vivant et autonome et par conséquent insécable, même s'il est possible de reconnaître des contours ou des coloris reçus de l'une ou l'autre.
* Au dernier tiers du 3° millénaire, le pays se trouvait divisé en une vingtaine de Cités-Etats, rassemblements de quelques villages campagnards autour d'agglomérations dont la plus dense avait rang et office de capitale. A la fois résidence des autorités et centre administratif, économique, intellectuel et religieux, chaque capitale avait à sa tête le chef de l'Etat : gouverneur, (ensi) seigneur, (en) roi (lugal) .Il résidait en son palais, entouré de sa cour : famille, domesticité, fonctionnaires. Y siégeait aussi, en son Temple, le Dieu principal, différent pour chacun, et qui, au plan surnaturel, exerçait l'autorité suprême, simple projection, sublimée et superlative du système politique monarchique. Aussi, comme le souverain de ce monde, le dieu-monarque regroupait-il autour de lui tout un cortège de divinités de moindre pouvoir qui puisaient leurs racines dans les plus vieilles traditions. Tous composaient un panthéon propre à la ville et à son territoire.
* Peu avant 2300 , un âge nouveau s'est ouvert. Pour la première fois, les Sémites vont prendre la tête politique du pays unifié. Sargon " le Grand " (2334-2279) réunit sous son autorité, avec pour capitale sa ville d'Akkadé, un vaste empire, depuis les marches du Plateau iranien jusqu'à la Méditerranée. Comme toutes les constructions démesurées, il s'écroulera un siècle plus tard dans le carnage et le malheur.
Mais les valeurs anciennes se sont conservées et le sumérien est demeuré en usage pour les actes officiels et surtout pour les belles lettres, alors centrées sur la littérature religieuse. Il semble même que la fin du 3° millénaire ait été l'âge d'or de l'expression sumérienne.
* Pendant le dernier siècle du millénaire, au temps de la III° dynastie d'Ur, c'est, autour de cette capitale, l'ancien " pays de Sumer " qui a repris la haute main sur le territoire mésopotamien unifié. Cette " renaissance sumérienne " éteint le brasier, contribue à composer la culture, la littérature, mythologie comprise, comme pour préserver les oeuvres passées. Le sumérien devient une langue morte mais reste le grand idiome de la culture, de la liturgie, de la science, de la littérature, de la basoche, comme le latin chez nous, bien après l'écroulement de Rome.
Et tandis que l'on demeure rattaché par tous ces liens au passé, l'avenir se prépare. Avec Sargon la langue akkadienne s'impose dans le quotidien et véhicule un mouvement de recherche, d'adaptation et de création, notamment dans le vaste domaine de la divination dite " déductive ". Si la pensée s'enracine dans les plus vieilles traditions, la marche du temps a libéré des idées et des forces qui explosent dès lors sans contrainte.
* Cette évolution est amplifiée, à la fin du 3° millénaire, par l'arrivée d'une nouvelle population de Sémites immigrants venus du Nord-Ouest ( la Syrie ), les Amurrites (1894 ). Ces occidentaux apportent un complément démographique et économique mais aussi des idées et des manières de voir nouvelles. Subjugués par la vigueur de la puissante civilisation dans laquelle ils entraient, ils se sont laissés absorber par elle et n'ont pas su préserver leur idiome. Mais avec eux les changements se précipitent.
* Vers 1750, Hammurabi, sixième souverain d'une dynastie d'Amurrites, assure au pays sa configuration définitive. Il réunit autour de sa capitale, Babylone, l'Assyrie au nord et le royaume de Mari sur le Moyen Euphrate. Babylone devient et demeurera à travers toutes les vicissitudes, la véritable métropole de la Mésopotamie. On pourra désormais parler de " civilisation babylonienne " Une étonnante floraison de la littérature, dorénavant en akkadien, s'épanouit dans des oeuvres de grande ampleur : les dieux et leurs conflits; les origines du monde et de l'homme; la mise en place de l'univers tel qu'il fonctionne toujours; le sens de notre vie; les problèmes que pose le mal. Il s'est opéré un énorme travail de croisement et d'affinement des conceptions traditionnelles Un effort génial s'est déployé pour les mettre en forme et en système. Ce mouvement tout à la fois de conservation du passé et de remise en question de son héritage puissamment sumérisé, va se poursuivre de longs siècles encore. Ni la chute de la dynastie babylonienne en 1594, ni la durable occupation des Cassites étrangers ne l'ont interrompu.
* Depuis la seconde moitié du 2° millénaire, la seule nouveauté politique de conséquence, c'est le partage du territoire mésopotamien en deux royaumes : la Babylonie, au sud; et au nord, l'Assyrie, autour de ses capitales successives ( Assur, Kalhu-Nimrud, puis Ninive ). Cette bipartition, cause fréquente d'hostilités entre les deux Etats, désormais frères jumeaux qui passent leur temps à se conquérir l'un l'autre, ne touche pratiquement pas la trajectoire culturelle. L'Assyrie, sur ce point n'a rien apporté de valable et de capital. Victorieuse ou vaincue, Babylone demeurera le pôle intellectuel et spirituel du pays entier, même à l'époque brillante des Sargonides, entre 720 et 609.
* A la fin du 2° millénaire, une branche plus vigoureuse s'installe: celle des Araméens. A la différence des Amurrites, mille ans plus tôt, ils ne se sont jamais inféodés sans réserve à la brillante et rayonnante civilisation babylonienne. Nombre d'entre eux ont préféré demeurer groupés plus ou moins à part dans la territoire, fidèles à leur mode antique de vie vagabonde. La plupart ont même préservé l'usage de leur idiome, l'araméen que peu à peu ils propagent et imposent car ils apportent un alphabet, inventé vers le milieu du II° millénaire en Phénicie. Tant et si bien qu'au temps de la dernière dynastie de Babylone (609-539) l'akkadien subit le sort du vieux sumérien : c'est l'araméen qui prend une importance croissante et deviendra langue d'Empire au temps des Perses. En 609, à la chute de Ninive, Babylone se retrouve triomphante et seule porteuse de la civilisation traditionnelle, en face des tribus sémitiques venues du nord.
* La conquête perse, en 538, puis celle d'Alexandre en 330 et l'ère des Séleucides confisquent au pays son indépendance politique pour l'intégrer à d'autres constructions et effritent peu à peu sa capacité à promouvoir son prodigieux patrimoine. A travers les progrès de ces populations et cultures nouvelles nous voyons s'approcher la fin de cette civilisation fondatrice qui renaîtra 19 siècles plus tard des tablettes cunéiformes.
Les vieux érudits, en l'an 74-75 de notre ère, travaillaient encore le cunéiforme et concevaient un almanach astronomique. En 1803, l'Allemand Grotefend pose les bases du déchiffrement des tablettes cunéiformes. En 1872, Smith analyse les concordances entre le récit biblique et des récits mésopotamiens plus anciens. Il faudra attendre Kramer, et son livre " Ce qu'on trouve dans les tablettes de Sumer, 1956 ", pour pénétrer la richesse de cette civilisation des origines. Ce livre, qui n'eut aucun succès, fut rebaptisé " L'Histoire commence à Sumer ", par Jean Bottéro, spécialiste mondialement reconnu de la civilisation mésopotamienne, co-auteur, avec Kramer, de " Lorsque le dieux faisaient l'homme, 1986 "
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