lundi, août 14, 2006

IDOLÂTRIE ET TOTALITARISME - suite

C. L’équilibre relationnel de la cité et ses faiblesses.


Il nous faut maintenant nous tourner vers la communauté des hommes pour analyser l’existant.
Avec les profils psychologiques que nous renons de voir, qui peuvent être seulement des tendances ou des traits de caractère, nous ne pouvons passer sous silence les expériences de la vie qui prédisposent à l’éclosion d’un processus aliénant. Nous sommes en effet modelés par notre environnement familial, scolaire et professionnel, obligés que nous sommes de nous fondre dans la communauté des hommes. Nous ne pouvons ignorer l’apport lié à l’éducation des parents au cadre institutionnel de l’école, au carcan du service militaire ou aux structures de la vie professionnelle. Cette «formation» aboutit à une intégration harmonieuse s l’ordre social avec, à la clef les promotions et récompensés liées au comportement dans un système hiérarchique. Dès lors se pose la question de savoir si notre bagage éducatif nous prédispose à perdre une part de notre liberté ? Là encore l’influence de l’autorité et l’allégeance à celle-ci nous obligent, par ce biais des acquis, a une soumission. Doit-on parler ici d’obéissance librement consentie sous le prétexte que nous sommes dans un cadre légitimé par un corps social démocratiquement défini ?

Il faut pourtant admettre que l’homme semble tendre vers quelque chose d’autre que son moi individuel. Et certains êtres paraissent destines à combler cette aspiration. Ainsi peut naître l’aliénation à l’autre. Ce désir de possession tient à ce que l’anglais Thomas Hobbes appelle le calcul rationnel de l’avenir qui transforme l’instinct de survie ou de conservation en volonté de puissance. Or qu’est-ce que la puissance de l’homme sinon. dit-il. « …l’ensemble des moyens dont il dispose pour l’obtenir, à savoir accumuler les pouvoirs afin d’élargir une marge de sécurité estimée toujours insuffisante par rapport à l’angoisse présente. La meilleure des assurances sur l’avenir est bien évidemment ce que nous devons e nos semblables par leur concours».

Thomas Hobbes, né en 1588, étudie à Oxford et, en 1608, devient le précepteur du fils de Lord Cavendish, comte de Devonshire.
En 1610, Hobbes est à Paris, au moment de l'assassinat d'Henri lV. Sa vie sera d'ailleurs marquée par ses voyages faits à Paris (de 1629 à 1631 et de 1634 à 1636). En 1640, se croyant menacé, il s'exile en France où il restera jusqu'en 1651. C'est pendant cette période que paraissent le De Cive (1642) et le Léviathan (1651).
De nombreuses polémiques avec les savants et les théologiens de l'époque agiteront la vie de Hobbes après son retour en Angleterre (on l'accuse d'athéisme et certains le rendent même responsable de la grande peste !).
Hobbes est mort le 4 décembre 1679. Hobbes, qui a longuement médité sur la Politique d'Aristote, s'oppose à la tradition aristotélicienne selon laquelle l'homme est un animal naturellement social. Pour Hobbes, l'homme est sociable non par nature, mais par accident. L'état de la nature (status naturalis), état caractérisé par la guerre de tous contre tous (" l'homme est un loup pour l'homme ") et dans lequel vivent les hommes avant de s'engager mutuellement selon un contrat.


C’est pourquoi nous avons tendance à vouloir dominer les autres afin de les garder à disposition pour un futur éventuel et sécuriser ainsi notre avenir toujours hypothétique. Née d'un besoin constant de sécurité, la course au pouvoir, quelle qu'en soit la forme, est donc un des fondements des relations entre les hommes. Et les passions que génère ce besoin vital sont autant de chemins pour parvenir à ses fins. Ainsi amour et haine correspondent-ils à un niveau de conscience où ces deux sentiments opposés aboutissent à des actes dans un contrôle inter humain incessant.

Idéalement cependant la mise en commun des puissances individuelles est la seule voie possible qui évite la puissance d'un seul dira Spinoza, par un consensus communautaire de type démocratique qui déléguera à certains la capacité d'exercer directement la souveraineté collective. Cet emboîtement des individus en un individu unique amènerait a ce conatus, ensemble des conati.

Cet idéal est bien trop souvent voué à l'échec, quand ce que Spinoza appelle «l'ambition de gloire» amène l'élu à faire ce qu’aiment les hommes dans le seul dessein de leur plaire. Cette démagogie devient Alors le germe possible d’idolâtrie. Si la réussite est au rendez vous, il peut naitre, un désir de gloire constamment renouvelé, qui va porter a son comble l’exaltation du moi.

Face à la naissance d'un système idolâtre, louange ou blâme seront la sanction des actes entrepris. Cette dépendance progressive aggravera l'importance que prend l'opinion d'autrui. La recherche des honneurs et de la gloire est un panaché d'altruisme et d'égoïsme. Etre heureux de la joie que je donne aux autres est la même chose que m'aimer moi-même ! Dans un autre registre. « sans vous, je ne suis rien dira un chanteur a ses fans ! Cri combien révélateur de l'idole qui pour vivre sa relation à autrui et conserver son image, reste obligée de leur restituer les signifiants de leur dépendance réciproque ! Mais pour Hobbes, cette exigence de la reconnaissance ne peut aboutir qu’à l'instauration d'un rapport maitre-esclave, point d’orgue de l’aliénation passionnelle.


Pour peu qu'une divergence progressive s'instaure, ou le système des valeurs proposées est contraire a celui de la communauté, vient alors l’ambition de domination pour le maintien des acquis. Le moi veut être alors le tyran de tous les autres, volonté de puissance et désir de gloire menant a la loi du tout ou rien, aucun compromis n'étant possible lorsqu'une minorité, voire un individu, veut imposer son système de valeurs. Il ne s’agit plus, comme veut l'entendre Spinoza, d’une recherche par la domination pour se glorifier de l’approbation imposée, mais bien plutôt d’un appétit de domination, comme le pense Hobbes. Pour le leader, l’ambition va cimenter la société des hommes tout en menaçant d’autodestruction son caractère communautaire. Ainsi naît l’abus de pouvoir.

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