Dans le Lachès, Platon met en scène deux généraux valeureux, Lachès et Nicias qui s'affrontent sur leur conception du courage, une des vertus fondamentales. Le motif en est l'éducation des jeunes gens. L'objet de l'éducation : mettre la vertu dans l'âme des jeunes gens .Il faut donc d'abord définir la vertu.
« * Nous disions donc, Lachès, que nous savons ce que c'est que la vertu ?
* Oui, nous l'affirmons.
* Ne nous attachons pas tout de suite, mon très bon, à la vertu en général; ce serait peut-être une tâche excessive. Bornons-nous d'abord à une de ses parties et voyons si nous en avons une connaissance suffisante. Cet examen sera naturellement plus facile pour nous
Maintenant quelle partie de la vertu choisirons-nous ?
Evidemment celle où parait se rapporter à l'apprentissage des armes. D'après l'opinion générale, c'est le courage n'est-ce pas ? " (Lachès, 190)
Lachès échoue tout d'abord à donner du courage une définition satisfaisante. L'homme courageux est celui qui tient ferme contre l'ennemi. Définition étroite car le courage trouve son application dans beaucoup d'autres circonstances, notamment contre les passions. Lachès déclare que le courage est une sorte de fermeté, et que c'est une des plus belles choses qui soient. Socrate lui montre que cette fermeté est une belle chose quand elle se fonde sur la raison , une laide quand elle se fonde sur l'ignorance. Il y a pourtant des cas où Lachès prétend que l'homme ignorant est plus courageux que le savant. Or l'ignorance est une chose laide, et Lachès a reconnu que le courage est une belle chose. La discussion aboutit alors à une contradiction.
« * Socrate : Si donc tu le veux bien, persistons avec fermeté dans notre recherche, afin que le courage lui-même ne nous raille pas de le chercher si peu courageusement, s'il est vrai que parfois la fermeté se confond avec le courage.
* Lachès : Il me semble que je conçois bien ce qu'est le courage; mais je ne sais comment il s'est fait tout à l'heure que l'idée m'en est échappée, au point que je n'ai pu ni la formuler ni la définir. "
Nicias reprend à son compte le principe socratique selon lequel on est bon dans ce que l'on sait et mauvais dans ce qu'on ignore et définit le courage : la science de ce qui est à craindre et de ce qui ne l'est pas. Cette confusion de la science et du courage fait bondir Lachès :
« alors les médecins, les artisans, les agriculteurs qui connaissent dans leur métier ce qui est à craindre et ce qui ne l'est pas, sont des hommes courageux ?"
« * Socrate : Dis-moi donc, Nicias, ou plutôt dis-nous, puisque Lachès et moi, nous faisons cause commune, tu prétends que le courage est la science de ce qui est à craindre et de ce qui ne l'est pas ?
* Nicias : Oui.
* Et que cette science n'est pas à la portée de tout le monde, puisque ni le médecin ni le devin ne la connaissent et qu'ils ne seront courageux qu'à la condition de l'acquérir d'autre part ? N'est-ce pas là ce que tu disais ?
* C'est bien cela.
* Le proverbe a donc raison de dire qu'il n'appartient pas au premier porc venu de la connaître et de devenir courageux. .....
* Nicias : Moi, Lachès, je n'accorde aucun courage aux animaux, ni à aucun être qui méprise le danger par ignorance : je les appelle téméraires et fous. Tu crois donc que j'appellerais courageux tous les petits enfants qui, parce qu'ils sont ignorants, ne craignent rien. A mon sens, être sans peur et être courageux sont deux choses différentes. J'estime, moi, que le courage et la prévoyance n'appartiennent qu'à un très petit nombre de gens, mais que la témérité, l'audace et l'absence de crainte liée à l'imprévoyance sont le partage de presque tout le monde, hommes, femmes, enfants et animaux. Aussi les actes que tu appelles courageux avec le vulgaire, moi, je les appelle téméraires, et j'appelle courageux les actes réfléchis dont je parle."
Socrate objecte à Nicias que si le courage est la science des choses à craindre, les choses à craindre se rapportent à l'avenir. Or la science est quelque chose d'absolu qui se rapporte non seulement au futur, mais au présent et au passé. Il en résulte que si le courage est une science, il doit être la science de tous les biens et de tous les maux, et l'homme qui les connaîtrai tous posséderait la vertu entière. Nicias a donc défini non le courage mais la vertu tout entière. Il faut trouver un nouveau maître
Protagoras
Dans le Protagoras, le sophiste s'oppose à Socrate sur la notion de vertu, de courage, et sur la possibilité de l'enseigner.
Protagoras reconnaît que quatre vertus, la justice, la tempérance, la sagesse et la piété, sont assez semblables entre elles, mais il maintient que le courage est tout à fait différent.
- Ne penses-tu pas, dit Socrate, que la vertu est une chose belle de tout point?
- Si, répond Protagoras.
- Le courage n'est-il pas la hardiesse ? - Si.
-Mais une hardiesse déraisonnable, est-ce du courage ?
- Non, c'est de la folie.
- Il faut donc pour qu'il y ait courage, qu'il y ait raison et connaissance, autrement le courage ne serait pas une belle chose, mais une chose folle ?
- Oui.
- Donc le courage se confond avec la sagesse.
Mais Protagoras rejette cette conclusion, et soutient que si la hardiesse vient de la science, le courage est un don de la nature.
Au lieu de réfuter l'objection, Socrate se place à un autre point de vue. i1 fait d'abord avouer à Protagoras que la science est toute-puissante sur l'homme qui la possède, puis, partant de ce principe qu'agréable et bon, désagréable et mauvais ne font qu'un dans leur essence et que personne ne choisit sciemment ce qui est désagréable et n'évite sciemment ce qui est agréable. Quand un homme fait le mal, c'est qu'il est vaincu par le plaisir, il s'est trompé dans ses mesures des choses agréables et désagréables, il a péché faute de science.
Or qu'est-ce que la crainte, sinon l'attente d'un mal ? Donc, quand un homme craint une chose, c'est qu'il la croit mauvaise, et les lâches ne sont lâches que par l'ignorance où ils sont des choses à craindre. Et, si le courage est le contraire de la lâcheté, il faut qu'il soit la connaissance des choses à craindre et de celles qui ne le sont point.
Ainsi toute vertu est science et par conséquent peut être enseignée. C'est la conclusion où la dialectique a conduit les deux interlocuteurs, conclusion contraire à l'opinion que chacun d'eux professait avant la discussion. (Protagoras, 359, 360, 361 ).
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