Hone - L'os
Hone, l’os. Sujet grave s’il en est, qui appelle une réflexion autour de la conception japonaise de la vie et de la mort. Si, au fil des siècles, la façon de traiter le cadavre humain a sensiblement évolué, tout porte à croire que l’attachement des Japonais à cet élément particulier du corps humain qu’est l’os demeure le même.
Il est aisé de comprendre que, par sa blancheur, il symbolise la pureté, contrairement à la chair qui, saisie par la mort, se putréfie. Mais l’os se trouve également à la croisée du corps et de l’âme, dont la dualité structure la vision de l’au-delà et de l’ici-bas.
Hostile à la notion de résurrection, la pureté de l’os propose pour ainsi dire un aller simple vers l’ailleurs : elle garantit, autrement dit, la métamorphose de l’âme en une divinité. Tant que l’os n’est pas débarrassé de ses impuretés, explique ainsi le grand poète et anthropologue Shinobu Orikuchi, l’âme n’est pas quitte avec l’envie de reprendre possession d’un corps (le sien ou celui d’un autre).
La difficulté propre à la période moderne provient sans doute du fait que, grâce au recours à une technique industrielle d’incinération, la pureté est acquise de façon instantanée, entérinant, du même coup, le caractère impur de la mort, par ailleurs quasi invisible.
Ce n’est que dans les îles du Sud que perdurent jusqu’à nos jours des pratiques consistant à accompagner le mort tout au long d’un lent processus de divinisation – à Okinawa, on avait coutume de laisser le corps de l’être aimé exposé à l’air libre jusqu’à ce qu’il devienne squelette –, dont le point d’orgue est le rituel du “lavage des os” décrit ci-contre : c’est du dialogue, d’une très grande tendresse, entre l’être parti et ceux qui sont restés que naissait le sacré, ce quelque chose qui permet à l’homme de surmonter sa finitude en l’inscrivant dans ce qui le dépasse.
Kazuhiko Yatabe
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