lundi, juillet 24, 2006

Lao-Tseu et le Tao Të King

'' Seule est réellement admirable, la Loi unique et multiple ''

Deux sentences parallèles, apparemment énigmatiques, suggèrent la recherche d'un lien fort entre une culture orientale millénaire et notre culture occidentale.

Existe-il une similitude, une convergence de la Sagesse à travers le temps l'espace et la culture ?

'' Quelque admiration que t'inspire le spectacle de l'Univers, seule est réellement admirable la Loi unique et multiple qui régit toutes les choses dans leur ensemble et chaque chose dans son détail.''

Essayons d'abord de la rattacher à la filière de notre culture traditionnelle, c'est à dire ''occidentale'' et puis de rechercher son possible reflet dans la sagesse du Tao. Deux droites parallèles se rencontrent à l'infini, selon les mathématiciens, si dans notre cas ce point de convergence existe, ce ne peut être que dans la Tradition Primordiale.

Nous avons cessé de nous prendre pour le centre de l'Univers, ayant découvert que l'Univers est homogène à grande échelle et qu'ainsi tout point peut être son centre. Mais nous gardons encore et toujours le vertige devant l'Infini, cet En Sof pour les Hébreux et cet Apéiron pour les Grecs. Plus nous avançons dans notre réponse au ''comment '' des manifestations de l'Univers, plus nous nous rapprochons du Principe, car nous connaissons maintenant nos limites et que le Principe détient seul et pour toujours certainement, la réponse au ''pourquoi ''.

Les avancées du savoir ne donnent pas la ''Connaissance''. Elles ne doivent donc pas nous effrayer comme elles ont effrayé des croyants à l'époque de Galilée ou à l'époque de Darwin.

Unique est l'attribut de UN ou de Unité. UN est la dénomination hiératique que nous retrouvons pour désigner Dieu, le Principe, le Créateur, l'Être Suprême dans tous les écrits spirituels, chez les Pythagoriciens, dans les Ennéades de Plotin et dans les King ou canons mystiques chinois dont le Tao-Të- King.

''UN symbole de l'homme debout, seul être vivant jouissant de cette faculté, au point que certains anthropologues font de la verticalité un signe distinctif de l'homme, plus radical encore que la raison.

''L'UN se trouve également dans les images de la pierre dressée, du phallus érigé, du bâton vertical : il représente l'homme actif associé à l'œuvre de la création.

''L'UN est également le Principe. Non manifesté, c'est de lui que découle toute manifestation et c'est à lui qu'elle revient, son existence éphémère épuisée : il est le principe actif, le créateur. L'UN est le lieu symbolique de l'être, source et fin de toute chose, centre cosmique et ontologique.

''Symbole de l'être, mais aussi de la Révélation, qui est médiatrice pour élever l'homme par la connaissance à un niveau d'être supérieur.

''L'UN est aussi le centre mystique, d'où rayonne l'Esprit comme un soleil.

''Il y a lieu de distinguer avec Guénon l'UN de l'Unicité, celle-ci exprimant l'être absolu et sans commune mesure, le transcendant, le Dieu unique, celui-là admet au contraire la génération du multiple homogène et la réduction du multiple à l'UN, à l'intérieur d'un ensemble émanation-retour dans lequel joue le pluralisme interne et externe.'' –fin de citation.

Nous faisons remarquer que cette distinction faite par Guénon est remplacée chez Pythagore par un UN dual.

''Pythagore considérait l'univers comme un Tout qu'il désignait par le mot grec Cosmos pour exprimer la beauté, l'ordre, la régularité qui y règnent. C'est l'Unité considérée comme le principe du monde que dérive le nom d'Univers. Pythagore prônait l'Unité comme principe de toutes choses et disait que cette Unité est une sorte de dualité infinie. L'essence de cette Unité et la manière dont la dualité qui en émanait y était enfin ramenée, étaient les mystères les plus profonds de sa doctrine.''

''Cette dualité est celle des principes du cosmos, appelée aussi par la scolastique l'Essence et la Substance universelles. L'Univers se manifeste à partir de cette dualité sous trois modifications : le monde terrestre, le monde intermédiaire et le monde céleste. L'Essence - ou le principe indivisible suivant Platon – donne le monde céleste. La Substance – ou le principe divisible - donne le monde terrestre et le monde intermédiaire prend naissance de le Substance élaborée par l'Essence. L'homme se manifeste aussi comme l'univers, sous trois modifications principales : le corps, l'âme et l'esprit et Pythagore lui donne le nom de microcosme, c'est à dire le petit monde''.

Mais pour illustrer le concept du UN, de l'Unité, avec la perspective du parallèle avec le Taoïsme et Lao-Tseu, nous jetons naturellement notre dévolu sur le Plotinisme. Plotin est considéré comme le représentant des Néoplatoniciens, Platon étant son maître, mais aussi Aristote. Avec son expérience de l'Egypte où il est né (Lycopolis) et des cultures Perse et Hindoue qu'il cherche à pénétrer par sa campagne ratée dans l'armée de GordienIII, avec l'enseignement reçu de Platon , avec son rôle de maître de sa propre école créée à Rome, Plotin se révèle un mystique très près des ascètes et cherche la vision dans l'extase.

Son profil spirituel se rapproche étonnamment de celui que nous connaissons de Lao-Tseu. Nous nous basons sur ce que nous connaissons de lui par les Ennéades pour servir notre sujet.

Pour Plotin, tous les êtres tiennent leur essence et leur existence de l'UN car, séparés de l'Unité ils ne pourraient pas exister. Cet UN n'est ni la totalité des Êtres (III, 8, 9), car il ne serait plus UN, ni l'être, car l'être est toutes choses. Certes Plotin reconnaît qu'il n'est pas facile de parler de la nature de l'UN, toutefois, on peut dire que sa nature est génératrice de tout mais elle n'est rien de ce qu'elle engendre ; elle est , en effet, avant toute essence, avant le mouvement et le repos, toutes propriétés qui se trouvent dans l'être et le rendent multiple.

Pour mieux comprendre, disons que cet UN est générateur de tout, n'est rien de ce qu'il engendre, comme l'Anhypothétique de Platon, il demeure au delà de l'essence et de l'existence. Et le multiple est créé par Emanation : l'UN, immobile et se suffisant à lui-même, n'engendre ni ne fabrique ni ne crée : il émane à la façon de la lumière ou de la chaleur ou du froid, ou des effluves d'un parfum (V, 1, 6).

La meilleure image – l'image est le mode d'explication préféré de Plotin, comme le mythe est celui de Platon – est celle d'un cercle et de ses rayons. Nous retenons cette image pour mettre son enseignement en parallèle avec celui de Lao-Tseu. Car ce principe d'émanation à partir du centre immobile est à rapprocher du ''Wu Wei'' ou action du non-agir du Taoïsme.

Normalement en chinois Tao veut dire Voie. C'est une désignation pour indiquer le chemin à suivre pour devenir un Sage. Pour les Sinologues, le mot possède des significations multiples :

C'est l'ordre mystérieux qui règne sur le monde,

C'est l'art de mettre en communication le Ciel et la Terre,

C'est un art, une méthode, un pouvoir,

C'est quelque chose qui nous dépasse complètement tout en le comprenant,

En français, on le traduirait par Principe. Mais ce n'est pas suffisant pour exprimer le sens que les Taoïstes veulent donner au mot.

Il y a 81 versets dans le Tao-Të-King soit en tout 5000 caractères chinois.

Voici le Verset 1 :

Le Tao pouvant être énoncé n'est pas le Tao permanent,
La Vérité pouvant être énoncée n'est aucunement la Vérité permanente,
Le Sans-Nom était là avant la naissance du Ciel et de la Terre,
Le nommé est la Mère de dix mille choses,
La permanence de la vacuité
Conduit à la contemplation du secret
La permanence de l'apparaître
Conduit à la contemplation du manifeste.
Ainsi règne la dualité
Ses pôles se manifestent ensemble
Mais
Ils possèdent des noms différents
Ils proviennent d'un endroit profond et mystérieux
Ce lieu profond et mystérieux
Est la porte de toutes les merveilles.

Cet exemple donne une idée du caractère sibyllin, obscur et paradoxal de cet ouvrage.

Nous voyons que le Tao est le Principe Suprême déjà là avant le Créateur qui a créé le Ciel et la Terre et la multitude, les dix mille choses…Dans notre culture nous pouvons à la rigueur faire un rapprochement avec le TEM Egyptien, qui se place bien, bien au dessus de tout le Panthéon égyptien.

Comme tout Principe d'Essence Supra-transcendante, le Tao ne peut être approché mentalement que par voie apophatique : innommable, ineffable, insondable, incommensurable…

Mais le Tao, c'est encore plus que l'UN et que l'Unité que nous cherchons, comme l'atteste ce Verset 42 :

Le Tao
Engendra l'Unité Primordiale
L'Unité Primordiale
Engendra le Ciel et la Terre
Le Ciel et la Terre
Engendrèrent l'Entre-Deux
L'Entre-Deux
Engendra les dix mille choses

Le Tao préconise la primauté de la valeur intérieure sur l'apparence, écoutons ce Verset 11 :

Trente rayons rejoignent l'axe
Mais le vide qui s'étend entre eux dessine la forme de la roue
C'est avec l'argile qu'on fabrique des pots,
Mais le vide qu'entoure l'argile constitue l'être du pot.
Des murs avec fenêtres et portes forment la maison
Mais le vide qui s'étend entre eux constitue l'être de la maison.
Principe : le matériel est utile
Mais l'immatériel engendra l'être véritable.

Dans Tao-Të-King, il y a aussi TË qui peut se traduire par vertu, puissance ou potentialité. C'est cette dernière traduction qui serait la bonne. Elle permet de mieux comprendre la doctrine du ''wu-wei'', c'est à dire l'action par le non-agir.

Par le Tao, chacun suit son chemin, sa voie qui est déjà tracée ! Par le Të, chacun doit s'adapter au mieux à sa potentialité qui est déjà définie.

Le Taoïsme a pris naissance entre le 7è et le 4è siècle avant JC et a continué à cheminer et à se transformer sous des formes moins spirituelles jusqu'à nos jours.

Au commencement c'est un ordre d'ermites ''les reclus ''(yin tche=ceux qui se cachent) avec comme spécimen Yang-Tchou. Refusant le monde qu'ils considèrent comme mauvais, ils cherchent refuge dans les grottes dans la montagne. Puis il y a Lie-Tseu qui a laissé des écrits taoïstes sous l'appellation de Lie-Tseu.

En dernier de la liste vient un autre sage taoïste, Tchouang-Tseu qui a laissé des écrits importants portant son nom.

Mais nous ne perdons pas de vue que ces sages n'ont marché que sur la continuation d'une culture chinoise millénaire déjà à leur époque. Comme par hasard, à peu près à la même époque vivaient sur le même continent deux autres Sages : Gautama Siddharta le Bouddha et Confucius (Konfuzi) le moraliste.

Le Bouddhisme n'est entré que plus tard en Chine (1er siècle av. JC), entre temps le Confucianisme et le Taoïsme se partageaient l'espace de la pensée chinoise de l'époque. Les deux se complétaient bien, l'un est moral et social et l'autre mystique ; Le spirituel viendra plus tard avec Bouddha.

La doctrine d'origine du Taoïsme enseignait une sagesse modeste, mystique et plutôt passive. Elle est vite détournée vers d'autres pratiques telles la recherche de la longévité et même de l'immortalité par l'alchimie externe et interne. Ces pratiques perdurent encore de nos jours sous différentes formes de médecines douces comme l'acupuncture ou les différents massages. On parle aussi de magie Taoïste.

C'est sous ces formes détournées que le Taoïsme continue à occuper la pensée des Chinois contemporains.

N'oublions pas qu'existe depuis bien plus longtemps le Yi-King, la véritable Bible Chinoise.

Le Tao-Të-King serait la 11è aile du Yi-King et d'après les augures orientalistes le Petit Livre Rouge de MaoZeDong en serait la 12è !

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