mercredi, juillet 19, 2006

La divination

La divination ou la mise en résonance des symboles avec le monde manifesté

La question des arts divinatoires renvoie d'emblée à la question du hasard et du destin, celle aussi de la coïncidence en tant que phénomène probabiliste ou reflet d'un certain ordre de l'Univers.


Carl Gustav Jung a étudié méthodiquement ces coïncidences ou tout du moins les phénomènes perçus comme tels au cours de ses travaux psychanalytiques. Dans ces conclusions, il abordera le concept de synchronicité qui va donner un sens aux événements signifiants et proposer une explication en rapport avec la constitution psychique de l'Homme. Les événements synchronistiques laissent supposer une "sympathie" entre l'Univers physique et l'Univers psychique de l'être humain. La tradition ésotérique aborde cette question d'un lien caché entre les événements, intervention divine ou équilibre des forces dans l'univers, unité du Macrocosme et du Microcosme, autant d'hypothèses qui permettent de donner un sens au destin. La science positiviste y voit une relation de cause à effet, se contente de dénombrer les faits et d'en tirer des conclusions probabilistes. L'hermétisme donne un sens aux choses. Indépendamment des explications quantitatives, elle pose le destin en face du hasard. Jung pense que l'inconscient collectif est à la base des événements synchronistiques ; autrement dit au modèle causal lié à l'espace temps, il ajoute un quatrième terme qui est l'esprit, facteur intégrateur, générateur d'ordre. Dans son sens, l'inconscient collectif est porteur de centres psychiques structurels et organisateurs, les archétypes. La synchronicité est le passage entre l'univers extérieur et la "mobilisation" d'un archétype.

Pour l'ésotérisme il existe bien un ordre sous-jacent reliant les choses et les êtres. De là à penser que l'homme pourra dans certaines circonstances appréhender le destin, il n'y a qu'un pas. La divination est un pont jeté entre le monde des phénomènes et le monde de l'être, entre la conscience de l'homme et les inclinaisons du destin. La divination est une sorte de coïncidence inversée, ce n'est plus l'événement qui s'impose à l'esprit en tant que signifiant, mais l'esprit qui se porte sur le sens qui préside aux événements. La divination s'oppose au fatalisme qui subit. Elle suppose un acteur humain dont la conscience se porte au niveau d'un plan qualifié de divin ou de l'ordre des choses.

Le langage de l'inconscient est le symbole. Et naturellement les outils utilisés pour atteindre le sens caché des choses vont faire largement appel aux symboles. La divination est interprétation, mais aussi manipulation dans le sens où le devin a recours au rituel que nous pouvons concevoir comme une mise en contact avec l'inconscient. Le rituel, pour oser une image audacieuse, serait alors comme une onde porteuse, alors que les symboles seraient une forme d'encodage des informations. La divination ne fait pas appel au mental, du moins pas dans un premier temps, le mental n'apparaît qu'au moment de la traduction des "images" ou "intuitions" en mots. C'est pourquoi, nous ne rangeons pas l'astrologie dans les arts divinatoires car sa méthode ne fait pas référence à l'aléatoire, au sort, mais plutôt à un décryptage d'informations, qui est plus d'ordre sémantique que symbolique.

Parmi les modes opératoires, on distinguera les modèles interprétatifs des modèles projectifs. Dans le premier cas le devin a recours à un ensemble symbolique déterminé (tarot, runes, Yi-King ), ces symboles sont "tirés" mis en contact symboliquement avec le sort, puis interprétés selon leur nature, leur position. Le sens que leur donne la tradition à laquelle se rattache l'opérateur variera alors en fonction du modèle opératoire et de l'opérateur. Cette tradition peut d'ailleurs sans problème, voire même avec bénéfice, être une tradition personnelle, autrement dit résulter d'un travail personnel sur ces symboles.

Dans le second cas, le devin se sert d'un support neutre (boule de cristal, miroir ) dans lequel il va voir (projeter) des images directement issues de son inconscient. Ce sont ces images qui lui fourniront, peut-être après interprétation, les informations qu'il recherche. Le don prophétique est à classer dans cette seconde catégorie et pourrait être interprété comme une vision directe des archives de la Nature.

Parmi les outils de la divination, deux peuvent retenir notre attention, car particulièrement complets et complexes, le Tarot et le Yi-King. Tous deux fonctionnent selon la méthode du tirage aléatoire, pour le tarot par sélection des planches, pour le Yi-King par manipulation de baguettes ou lancer de pièces.

Mais alors que le Tarot semble mettre en jeu les forces psychiques en présence, le Yi-king intervient dans une situation type par mutation, l'homme étant intermédiaire entre le ciel et la terre. De ce fait, on pourrait parler d'interpénétration d'impulsions cosmiques et psychologiques, dont l'opérant n'est que le transmetteur et où les cartes du Tarot et les situations du Yi-king ne sont que des révélateurs. Ainsi pourront se découvrir des mouvements ordonnés, qui ne sont pas perçus, car le désordre de "l'opéré " celui qui tire les cartes, celui qui consulte, celui qui devine, ne permet pas de découvrir l'énergie sous-jacente. Tirer les cartes devient une remise en ordre et la libération des blocages qui permet d'envisager la situation et éventuellement de la débloquer. Ce sera apparemment un mode de résolution de conflits, sous couvert d'une approche intellectuelle, laquelle déborde le mode sensitif pour laisser échapper l'intuition ou la révélation que semble apporter le système divinatoire.

Nous serons alors à même de découvrir si nous sommes capables de travailler selon le renvoi incessant à soi même et à l'univers que procurent ces systèmes.

L'un et l'autre sont en résonance avec une conception du monde, celle de la qabal pour le tarot, celle du taoïsme pour le Yi-King. Le jeu complet du tarot ou le jeu complet des hexagrammes pour le Yi-king sont des représentations du Monde des possibles, du monde manifesté, de mêmes structures, mêmes potentialités. Le tirage aléatoire permet la mise en résonance des symboles avec l'actualité du Monde. Exprimé autrement, le tirage du sort est sensé être une représentation particulière de la situation du demandeur à un instant donné. L'image construite est alors celle de la situation à un moment donné et de son devenir suivant en cela l'ordonnance du Cosmos, lequel semble immobile, mais se trouve en constantes modifications selon des cycles. L'interprétation est alors la tentative de déchiffrage de cette situation, le devin lit les forces en présence, détermine leur équilibre et pronostique une résultante. Dès lors la situation change, la conscience intervient dans le cours du destin, l'homme redevient libre choisir d'aller dans le sens des forces en présence ou prendre une voie parallèle qui peut lui permettre d'éviter un destin funeste.

La divination n'est pas un fatalisme passif, c'est une tentative humaine de maîtriser son destin, de donner un sens à l'indéterminé, de contrôler sa vie. "Les étoiles dirigent les hommes, le sage dirige son étoile"

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